Le jeudi 16 mai 2024
RIM

Cell, la mode Cell, le Problème

6 novembre 2009

J’ai eu mon premier téléphone cellulaire il y a près de 20 ans. Je sévissais alors avec bonheur comme jeune journaliste dans la défunte salle des nouvelles de TQS à Québec… Or fin 80 début 90, un cellulaire c’était le nec plus ultra, car c’était vraiment rare. Seule une minorité de personnes en avait un à l’époque, au point où certains je vous le jure, en avaient même des faux, en plastique, juste pour faire semblant et tenter d’impressionner… Moi j’en avais un vrai de vrai, mais vous auriez dû voir le bétail… Mon vieux Motorola Dyna Tac, qui pesait presque 2 livres, et mesurait près d’un pied, ressemblait beaucoup plus à une arme de défense, style massue, qu’aux actuels et minuscules téléphones cellulaires dits mobiles ou portables, devenus depuis si courants…

Mais au fait, juste pour rire jaune, savez-vous combien il s’est vendu de téléphones cellulaires de par le monde aujourd’hui seulement? Non, mais risquez juste un chiffre, ne serait-ce que pour qu’on s’entende sur l’ampleur du phénomène… Aucune idée ? OK ! Il va s’en vendre près de 2 millions et demi, juste aujourd’hui. Consultez à ce sujet ces statistiques mondiales en temps réels. (https://www.worldometers.info/fr/) L’engouement s’explique du fait que le gugusse en question vous permet de parler de tout et de rien, quelque soit l’endroit ou vous vous trouvez, d’envoyer des messages, de surfer sur internet, de jouer à des jeux, et d’écouter de la musique. Il permet même de prendre en photos votre meilleure amie Dazou ou votre chien Mario, autant de fois que vous le voulez…

Mais bien au-delà des actuelles prouesses techniques de votre bien-aimé « cell », en attendant impatiemment que les prochains modèles fassent aussi le lavage, le repassage et pourquoi pas la cuisine,  la cote d’amour de cet étrange appareil ne fait aucun doute. La preuve? Lors de gros shows au Colisée, au Stade ou au Forum, lorsqu’est interprétée « LA » toune de la soirée, la lueur du cell a même remplacé la vacillante flamme du briquet. Pas surprenant, jusqu’à un certain point virgule, qu’actuellement, plus de la moitié des êtres humains de la planète en possèdent un. Oui oui… Selon un rapport  de l’Organisation des  Nations Unies (ONU), plus de 4 milliards d’humains possèdent maintenant ledit machin. La progression est d’autant plus fulgurante qu’en 2002, quatre fois moins de consommateurs soient un petit milliard d’individus seulement, possédait pareil téléphone cellulaire. On a réussi à nous convaincre de son absolue nécessité, ici tout comme en Asie et en Afrique, en l’associant au concept de « liberté ». Paradoxalement, et nous ne sommes pas à un paradoxe près, bien des gens ne pourraient plus s’en passer, car ils y sont accros.  Alors allo liberté ?!

À l’époque, c’est sans aucune étude scientifique sérieuse qu’on a lancé l’innovation. Personne ou presque ne semblait se poser de questions sur l’impact du phénomène, au plan environnemental. La grande question dans nos salles des nouvelles était tout simplement « est-ce que le téléphone cellulaire est dangereux au volant? » Ça en aura pris des années pour confirmer l’évidence… Parler au téléphone lorsqu’on conduit un véhicule est effectivement une source de distraction, tout comme chercher le disque compact (DC) de Fidel Lachance tombé entre vos sièges avant, pendant qu’on roule. De fait, ça multiplie par quatre, le risque d’être impliqué dans une collision. Or c’est bien loin d’être le seul impact possible… On commence enfin, depuis peu,  à s’intéresser à l’incidence de ces milliards de cellulaires, sur la santé des écosystèmes et celle des humains…

Si vous me lisez régulièrement, vous connaissez mon coup de cœur, ces dernières années, pour l’éclairante analyse du cycle de vie (ACV) des produits qui nous entourent…? Ce type d’évaluation environnementale complète ne se contente pas d’évaluer si tel type d’automobile, coupe-bordure ou moulin à café pollue ou prend trop d’énergie, au moment où vous l’utilisez. L’analyse du cycle de vie évalue plutôt toutes les étapes, scrutant à la loupe l’extraction des ressources (pétrole, métaux, bois, eau), leur raffinage, l’énergie requise par la transformation, la fabrication ou l’assemblage du machin chouette, son transport, son emballage son utilisation et ce qu’il adviendra de lui quand vous devrez vous en départir à la poubelle ou mieux, dans une filière de recyclage. On mesurera en fait « du berceau au tombeau »,  l’impact qu’auront toutes ces étapes de son cycle de vie, sur l’épuisement des ressources naturelles, l’effet de serre, la destruction de la couche d’ozone ou l’acidification de l’eau. » Pas mal comme polaroïd non? Or l’Agence française de l’Environnement et de la Maitrise de l’Énergie (ADEME) a justement réalisé en avril 2008 la pertinente analyse du cycle de vie (ACV) d’un téléphone « portable » comme on dit là-bas… (https://www.ademe.fr/internet/telephone-portable/Site-web/portable.pdf). Et voici ce que cela donne…

On a analysé un appareil moyen pesant 383 grammes (soit moins d’une livre)  le téléphone proprement dit pesant 133g, l’emballage 130g et le chargeur 120g, pour une utilisation moyenne de 11 minutes par jour pendant 2 ans. Je sais c’est peu… Votre nièce Beverley parle au moins 5 heures par jour sur son mautadit cell, mais passons, c’est une moyenne. Contrairement à ce que vous croyez peut-être ce n’est pas le transport de l’Asie vers ici qui a eu le plus d’impact. Le transport est très faiblement contributeur aux impacts environnementaux, sauf pour la destruction de la couche d’ozone où il génère 10 % de la pollution. Ce n’est pas non plus l’utilisation du téléphone portable qui est en cause, avec de 1 % à 19 % des impacts. Comme c’est souvent le cas avec les innombrables guedis électroniques, c’est la fabrication du cellulaire, particulièrement l’écran LCD, de l’ensemble électronique, de la batterie et du chargeur qui ont le plus d’impacts sur la santé de la planète bleue et de ses habitants.

Les scientifiques ont estimé qu’un seul petit téléphone cellulaire contribue à un épuisement des ressources naturelles équivalent à l’extraction de 7.5 kilos (16 livres) de cuivre. La consommation d’énergie nécessitée par la fabrication de ses composantes équivaut à l’énergie nécessaire pour parcourir 57 km en avion. L’effet de serre occasionné par la fabrication du bidule équivaut à 85 km parcourus avec une voiture moyenne fonctionnant à l’essence. Quant à la production de déchets dangereux, alors là ça se gâte vraiment… Ça représente 236 % en kg de la production quotidienne de déchets dangereux d’un Européen. Inoffensif le cellulaire?

Le plus curieux ou le plus inquiétant, c’est selon, c’est que nos amis français n’ont pu prendre en compte la phase finale du cycle de vie de notre bien-aimé cellulaire, c’est à dire qui lui arrive lorsqu’on s’en départit, et vous savez pourquoi ? C’est qu’encore trop souvent, on abandonne carrément le cossin dans un tiroir… Je connais personnellement trois personnes qui ont au moins quatre cellulaires, qui dorment, en attendant je ne sais trop quelle fin… Pour toutes sortes de raisons, comme le changement de fournisseur de services, ou un budget d’acquisition qui se devait mordicus d’être dépensé, on a remplacé les appareils même s’ils fonctionnaient très bien… De là à dire que nos cellulaires sont désormais des produits du tiroir?

Plutôt que de laisser dormir son téléphone dans un placard, et pour éviter que dans un moment d’empressement, un ou une sans-génie décide de le mettre à la poubelle, il est préférable de le déposer dans une filière de traitement. Cherchez « Piles » dans le logiciel de recherche de Recyc-Québec, vous y trouverez l’adresse d’un écocentre ou d’un récupérateur situé près de chez vous. (https://www.recyc-quebec.gouv.qc.ca/client/fr/repertoires/rep-recuperateurs.asp#Saut). De même, l’Association canadienne des télécommunications sans fil (ACTS) y va d’un programme national de récupération d’appareils mobiles. (https://www.recyclemycell.ca/accueil.php) Et ça vaut le coup.  Votre « vieux » cellulaire contient en effet de 500 à 1000 composantes qui peuvent être récupérées, tels des matières plastiques, et des métaux comme le cuivre, l’or et l’argent. À l'inverse si vous jetez impunément votre téléphone cellulaire à la poubelle, et delà au cimetière paroissial,  les composantes telles le plomb, l’antimoine, le béryllium et l’arsenic, pourraient causer d'importants dommages à l’environnement. Les batteries peuvent en effet contenir des substances toxiques comme du cadmium ou du lithium.

Bon, si vous ne pouvez vous passer de votre cellulaire pour appeler votre chéri (e) chaque jour, afin de savoir ce que vous mangerez pour souper, libre à vous de « celluler » à votre guise, c’est légal! Cependant, visez le M & M, c'est-à-dire le moindre mal… Gardez votre appareil plus longtemps sachant que chaque fabrication est dommageable. Puis, lors de votre prochain achat si achat il y a, puisque les consommateurs gardent leur téléphone portable moins de 3 ans, éviter les écrans LCD, la fonction GPS et la technologie à clapet, grands responsables de l’impact environnemental de votre cell, rappelle l’ADEME. Débrancher aussi le chargeur du téléphone lorsque vous n’en effectuez pas la recharge. Un chargeur branché avec ou sans téléphone consomme malgré tout de l’électricité.

Enfin, et puisque la santé humaine fait évidemment partie de la qualité de l’environnement, allez-y mollo avec ce jouet contemporain. De par le monde, de plus en plus de recherches se poursuivent afin d’évaluer l’impact d’un usage quotidien ou abusif du cellulaire. Juste au Japon, imaginez-vous donc, que déjà, le tiers des élèves de sixième année possèdent, un téléphone cellulaire, et plus de la moitié des élèves de 3e secondaire en possèdent un. Or de plus en plus d’études incitent à la prudence, particulièrement chez les enfants de moins de quinze ans et les femmes enceintes. Ces 12 conseils élémentaires de prévention pourraient vous aider à minimiser l’impact de votre cher cell, à qui on associe de plus en plus de possibles problèmes de pertes de mémoire, de fatigue et de maux de tête, ainsi que des troubles du sommeil. (https://www.next-up.org/pdf/TelephoneMobile12ConseilsDePrevention.pdf). Vous y apprendrez qu’il vaut mieux limiter le nombre de vos conversations de même que leur durée à 6 minutes max, afin de limiter les effets du rayonnement des ondes émises par votre téléphone portable, semblables à celles que l'on utilise dans les fours à micro-ondes.

De même, il est fortement déconseillé d’utiliser un téléphone mobile lorsqu’on à moins de 15 ans ou a proximité d’un enfant. En raison de leur phase de croissance et de leur masse de tissus moindre, le rayonnement du téléphone a en effet une nocivité accrue. Enfin, dans la mesure du possible,  ne téléphonez que dans des conditions de réception optimale, et non dans tous les lieux confinés, comme les ascenseurs et sous-sols, tout comme dans le métro ou l’autobus, surtout si ceux-ci sont en mouvement, car la puissance d’émission et de réception de l’irradiation de l’antenne est en effet décuplée, car celle-ci est en constante recherche.  Cell la solution… On se rappelle ?

Pour plus d'information

François Thibouthot
Adresse: Journaliste chroniqueur
Québec
Canada
François Thibouthot
Journaliste chroniqueur

François Thiboutôt est journaliste et chroniqueur. Fort de 25 ans d'expérience à l'antenne de Radio-Canada, TQS, Télé-Québec et TVA, il consacre désormais son travail de communicateur engagé, à vulgariser les grands enjeux de la consommation responsable et du développement durable. François Thiboutôt agit aussi comme consultant auprès d'entreprises et d'institutions désireuses de prendre un véritable virage vert. Il est membre de l'AProDD (Association des Professionnels en Développement Durable) Au sein de l'Agence de conférenciers en environnement et développement durable « Terre à Terre » il présente aux quatre coins du Québec, sa conférence portant sur l'empreinte écologique intitulée « L'Urgence d'une Consommation Responsable ».