Le jeudi 16 mai 2024
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Le Grand Bleu et le Grand Vert Un Fleuve de Découvertes…

3 août 2009

Je suis encore sous le choc… Non, en fait, plutôt sous le charme… Je reviens de la Côte-Nord où j’étais allé passer quelques jours, le cœur en vacances, et l’esprit ouvert comme toujours à tout bon sujet de chronique… Or, sachez que le chroniqueur-vacancier que je suis est encore tout bouleversé. Pourquoi? Pour plusieurs raisons, grandes et petites… La première c’est que je viens de voir, rien de moins, que le plus gros animal du monde… Non! Pas à la télé ni à IMAX… En personne! Je n’ai pas eu à franchir des milliers de kilomètres et a participer à je ne sais trop quel safari réservé aux mieux nantis de ce monde… Je suis allé l’observer à Bergeronnes, à moins de 3 heures de Québec. Je vous le confirme, le plus imposant animal à vivre actuellement sur notre planète et le plus gros animal de tous les temps à avoir existé n’est pas votre bedonnant voisin. C’est la baleine bleue, ou comme on devrait plutôt l’appeler, le rorqual bleu. Je sais, je sais, ici comme dans bien d’autres domaines, la grosseur n’a pas tant d’importance… N’empêche que nous sommes ici en présence d’une véritable force de la nature… La taille de ce monstrueux, mais néanmoins sympathique « méné » varie en effet de 20 à près de 30 mètres de long, et il pèse au bas mot plus d’une centaine de tonnes, c'est-à-dire beaucoup plus que tout dinosaure ayant piétiné avec amour cette délicate planète. J’ajouterais que le rorqual bleu est d’autant plus imposant et impressionnant à mes yeux, qu’il est pacifique…

Le plus beau dans toute cette histoire, c’est que j’ai pu observer un superbe spécimen de rorqual bleu plutôt deux fois qu’une. Ce que vous voyez d’ailleurs ci-haut, n’est pas sans me rappeler ce qu’est un iceberg, puisqu’on ne voit ici qu’à peine 10% de la bête. D'abord, je l’ai vu au loin à partir de la terre ferme au Cap Bon Désir, parmi des dizaines de phoques, marsouins, bélugas et autres baleines. Faut dire que j’avais été bien guidé par une naturaliste d’Explo-Nature, qui avait repéré au loin son souffle impressionnant semblable à un geyser. Puis je l’ai revu le lendemain, sur le bateau de la famille Dufour. Ce n’était pas ma première croisière aux baleines… J’ai du participé à près d’une dizaine de ces safaris d’observation depuis les 20 dernières années, mais WOW! , c’est la toute première fois que je voyais la bleue, pardon, le rorqual bleu. Comme quoi, même quand on pense avoir tout vu, il y a toujours place à de bien belles découvertes. L’imposante créature qu’est le rorqual bleu a beau folâtrer dans les chaudes eaux des Caraïbes lorsque vient le temps d’assurer son incertaine descendance, c’est néanmoins ici que quatre des quelque 5000 rorquals bleus viennent s’empiffrer chaque jour de près de 4 tonnes de krills (de minuscules petites crevettes). Et ça s’explique, car le St-Laurent malgré ses airs de désert aquatique, foisonne non seulement de nourriture, mais de vie… 
 
D’ailleurs, j’ai beau avoir vu de mes yeux vu pour la toute première fois le grand bleu (le rorqual), j’ai surtout redécouvert le grand vert (le fleuve) moi qui pensais pourtant bien le connaître. Ayant appris à nager dans ce que nous appelions la mer, dans les années 60 sur l’autre rive, à la hauteur de Notre-Dame-du-Portage, lorsque l’eau était encore limpide et qu’on pouvait encore y distinguer quelque chose,  j’avais eu par la suite une bien grande déception. L’eau y était en effet devenue tellement polluée et d’une couleur brune si louche, qu’on n’y voyait désormais presque plus rien. Or surprise, là encore, je viens de redécouvrir que presque juste en face d’où j’ai grandi,  l’eau du Saint-Laurent n’est peut-être de nos jours ni bleue ni turquoise comme dans les tropiques, mais chose certaine, elle n’est pas grise ni brune non plus… Elle est verte… Car les phytoplanctons, ces organismes microscopiques qui vivent en suspension dans l’eau y fourmillent… Les courants sous-marins d’eau froide et salée qui remontent du golfe vers l’ouest transportent aussi avec eux des quantités astronomiques de petits crustacés qui sont le casse-croute des poissons comme des baleines... Et lorsqu’on y regarde de plus près, le sol marin n’est heureusement pas toujours jonché de pneus, de bouteilles et de vieux frigos… Loin de là.  Dans la région de Bergeronnes, j’ai d’ailleurs participé à une expérience haute en couleur et en découvertes, qui m’a forcé de fond en comble, de fond (marin) évidemment, à revoir mes perceptions personnelles de ce qu’est le toujours majestueux Saint-Laurent.

Vous êtes peut-être comme moi, soit simplement non qualifié, ou carrément pas assez fonceur pour faire de la plongée sous-marine? Ne vous en faites pas, des experts plongeurs munis d’une performante caméra le font pour nous avec brio. Dans le parc marin du Saguenay-Saint-Laurent, rendez-vous au Centre d'interprétation et d'observation de Cap-de-Bon-Désir à Bergeronnes. (https://www.pc.gc.ca/fra/amnc-nmca/qc/saguenay/natcul/natcul2.aspx) Ok, nous ne sommes pas, vous et moi, en direct en ce moment même, et je ne suis pas en train de vous montrer ce que je pourrais filmer dans le fond du fleuve… Mais grâce aux magnifiques photos colligées par l’organisme Explos Nature, dédié à l’éducation et la recherche, vous allez voir ce que moi j’ai eu la chance de voir en direct et ce qui m’a littéralement renversé… Plongeons! Vous n’en croirez pas vos yeux…
 


Des étoiles de mer ici au Québec? Que oui ! Et des belles en plus. Admirez cette étoile rouge sang, une star de beauté incontestée ici… d’autant plus qu’il en existe aussi de couleur jaune, orange et violette… Quand je vous disais que c’était à couper le souffle. Surprenant, dans un fleuve que plusieurs croient sans vie... Tiens, savez-vous ce que mange cette star ? Elle ne consomme que des éponges, comme quoi tous les gouts sont dans la nature. Fait inusité, cette étoile rouge-sang couve ses œufs et les protège de façon fort originale, autour de sa bouche, en formant une cloche grâce à ses bras rabattus sous son corps. Astucieux non?


Un autre surprenant habitant, ? Moi qui ai vu tant de fois, à partir de la Rive-Sud, le soleil se coucher dans le fleuve Saint-Laurent, je sais maintenant ou il allait vraiment… Admirez-moi ce soleil de mer épineux. D’une beauté exceptionnelle et d’une couleur qui va de beige à rouge vif,  il est assez courant dans l’estuaire, le golfe du St-Laurent et le long de la côte atlantique. Recouvert de petites épines molles, il possède un grand disque central et de huit à quatorze petits rayons, pardons, jusqu’à quatorze petits bras.
 


Des anémones, on en a aussi ? Bien sûr! Celles que vous voyez sont des anémones plumeuses… D’une infinie délicatesse, elles semblent danser tout doucement dans le courant qui berce nos fonds marins, mais sont plutôt en train de s’alimenter. Leurs nombreux tentacules, jusqu’à 1000 chez les adultes, captent en effet au gré des courants, le plancton qui abonde en nos eaux. Quand elle se contracte, cette anémone devient aussi plate qu’une galette, alors qu’une fois ouverte, elle peut atteindre 45 cm de hauteur.

 
 

Des oursins ? Et comment… Si vous êtes amateurs de sushis, peut-être en avez-vous déjà mangé ? Sinon, sachez que malgré leurs allures de porcs-épics, leur chair est bien tendre et surtout très prisée par les connaisseurs. En fait, ce qu’on mange des oursins ce sont leurs gonades, ou si vous préférez leurs glandes sexuelles… Si ici au Québec, peu d’amateurs se manifestent, les asiatiques et en particulier les Japonais eux en raffolent et nous achètent à la tonne, et à prix d’or ce délice des délices, grandement recherché. Et ce n’est pas tout, on retrouve dans le Grand Vert, des framboises et des concombres de mer, des bernard-l’ermite, des buccins, des nudibranches, qui tous à leur façon vous réservent plus d’une surprise. Si vous avez la chance de participer à l’activité baptisée, le St-Laurent en direct, vous les verrez peut-être tous. Vous pourrez même discuter bien au sec et au chaud,  avec les plongeurs tout au long de l’activité qui vous fera découvrir non seulement la beauté mais surtout la diversité des fonds marins du Saint-Laurent.

Êtes-vous comme moi ? Une fois revenu tant bien que mal de mes émotions devant tant de merveilles, comme ce bien rare loup atlantique présent dans le fleuve, je me sens littéralement submergé par une réflexion. Ça me semble bien curieux et surtout très troublant, en y pensant bien, qu’on connaisse si mal notre Saint-Laurent, qui est pourtant un personnage central de non identité québécoise. À l'heure actuelle en effet, près de 80 % de la population du Québec, soit plus de 6 millions de personnes, vivent à proximité du fleuve, mais sans trop connaître ce qui s’y vit. Faut dire aussi qu’il y a tout un monde entre le fleuve Saint-Laurent du port de Montréal, celui qui me berce chez-moi à St-Augustin-de-Desmaures, et le fleuve que j’ai redécouvert à la porte d’entrée de la Côte-Nord… Car oui, il n’y a pas un, mais des fleuves Saint-Laurent…

Curieux et difficilement justifiable aussi, qu’on ait mis tant d’efforts et investit tant d’argent dans la conquête spatiale par exemple, alors qu’on connait si mal la vie qui bat, dans nos fleuves, rivières et océans… non ? Alors qu’à peine 250 000 espèces marines sont connues et qu’entre 500 000 et 1 million d’espèces restent encore à découvrir, on a préféré allé voir ailleurs. Réflexe humain sans doute, on a préféré la fuite en avant, vers l’extérieur, plutôt que d’apprendre à connaître nos propres ressources, intérieures.

Heureusement qu’il existe des mordus, que dis-je, des amoureux passionnés de sciences naturelles et surtout de vulgarisation scientifique comme l’équipe d’Explos nature, qui existe depuis maintenant plus de 50 ans ( https://www.explos-nature.qc.ca/web/accueil.php ) Non seulement leurs guides naturalistes sont là pour nous guider dans notre heureuse redécouverte du fleuve, au Cap-Bon-Désir ou au Centre de Découverte du Milieu Marin de Bergeronnes, mais ils proposent aussi aux jeunes, des camps d’été, des camps de jours, et même des camps familiaux pour permettre à toute la famille de s’initier. Encore là, leur passionnante approche demeure unique. On ne s’y contente pas de théories, mais on y privilégie plutôt l’approche des cinq sens, qui permet aux participants, jeunes et moins jeunes, d’écouter, de voir, de sentir, de toucher, de goûter les richesses du milieu marin, de ses rives forestières aux confins de ses eaux. Leur conviction est simple : c’est en connaissant mieux et en et comprenant mieux ce fabuleux, mais sensible écosystème qu’on pourra ensuite mieux le protéger.


Et on a beau s’y amuser follement, c’est du sérieux. Le fondateur d’Explos-Nature, Léo Brassard, est celui-là même qui a fondé la plus que crédible revue Québec-Science. Il a d’ailleurs reçu en 1990 le prix  ACFAS- Nothern Telecom et en 1994, le prestigieux prix Michael Smith pour la promotion des sciences. Le camp d’été des Jeunes Explos s’est quant a lui mérité le prix Desjardins de l’Éducation… À quand un vrai prix Phénix de l’environnement ? J’ai la conviction personnelle que si j’avais découvert l’existence de pareils camps de vacances, dans ma lointaine petite jeunesse, ça aurait sans doute changé ma vie, moi qui suis déjà un amoureux contemplatif de la nature. Bon… À défaut d’avoir découvert à temps Explos-Nature ou d’y envoyer les enfants que je n’ai pas, je les appuierai tout de même. J’ai en effet accepté d’être le président d’honneur de leur souper-bénéfice du 12 septembre prochain… Si ça vous tente de venir m’y rencontrer tout en les appuyant concrètement dans leur mission, je serai heureux de vous y rencontrer, car vous y êtes les bienvenus…

Pour plus d'information

François Thibouthot
Adresse: Journaliste chroniqueur
Québec
Canada
François Thibouthot
Journaliste chroniqueur

François Thiboutôt est journaliste et chroniqueur. Fort de 25 ans d'expérience à l'antenne de Radio-Canada, TQS, Télé-Québec et TVA, il consacre désormais son travail de communicateur engagé, à vulgariser les grands enjeux de la consommation responsable et du développement durable. François Thiboutôt agit aussi comme consultant auprès d'entreprises et d'institutions désireuses de prendre un véritable virage vert. Il est membre de l'AProDD (Association des Professionnels en Développement Durable) Au sein de l'Agence de conférenciers en environnement et développement durable « Terre à Terre » il présente aux quatre coins du Québec, sa conférence portant sur l'empreinte écologique intitulée « L'Urgence d'une Consommation Responsable ».