Le jeudi 16 mai 2024
RIM

Dommage Décibels Motos…

21 juin 2009

J’ai déjà été un motard… Wowo!  Ne riez pas, c’est presque vrai… Je n’avais peut-être pas la grosse Harley, les tatouages et tout le kit, mais de 16 à 23 ans, j’ai bel et bien flirté avec le pétaradant monde de la moto. OK, c’est vrai, je faisais quelquefois rire de moi, lorsque je rangeais ma petite Suzuki 100cc, juste à côté des puissants cylindrés des membres du club de motards les Samouraïs, au très chic bar du Plaza à Rivière-du-Loup… N’empêche que, gros bras en moins, et pas motard pour deux sous dans les faits, j’ai vraiment adoré me balader en moto. Pendant sept belles années, j’ai véritablement gouté et savouré cette enivrante sensation de liberté, semblable à celle que ressent probablement un cavalier sur son cheval, avec bien sûr j’avoue, un peu plus de bruit, un peu plus de pollution sonore…

Ah le bruit ! Le maudit bruit devrais-je dire, en me confessant maintenant… Car pour attirer l’attention quand j’étais tout jeune, et motocycliste en devenir, j’étais de ceux qui aimaient bien que ma bicyclette « gronde » et « raisonne » un tant soit peu comme une vraie moto. Or pour y arriver le truc était simple… Grâce à une épingle à linge, on coinçait une carte de hockey cartonnée au travers d’une des roues, et on créait ainsi à chaque frottement de la carte sur les rayons, une tapageuse séquence = Palapapapapapapap! Ce n’était pas parfait comme imitation, je sais. Mais au moins, on ne passait pas inaperçu, ce qui était le but. C’est d’ailleurs un peu la même bruyante quête, qui, plus tard à l’adolescence, nous faisait percer des trous à l’aide d’un marteau et d’un clou, dans le silencieux de nos mobylettes, qui n’avait dès lors plus de silencieux, que le nom… Vrrrrroouummmm!  D’un seul coup, nous avions l’impression, mais à tort, de « grimper » socialement d’une coche, au fur et à mesure que grimpaient aussi les décibels émis par nos petits bolides. La preuve que ça fonctionnait ? On se retournait sur notre passage… Quand j’y pense, ça me rappelle un peu le comportement des petits chiens craintifs qui pour compenser leur petitesse, jappent plus fort que les gros, et essayent maladroitement de s’imposer et d’impressionner… Vous connaissez le principe compensatoire « Grosse Corvette, Petite Trempette » ?! Poursuivons alors…

Bon… J’ai dû vieillir, mais j’avoue que je trouve ce type de démonstration bruyante de moins en moins drôle, avec le temps. Surtout quand L’OMS (Organisation mondiale de la santé) me chuchote à l’oreille qu’il y a risque pour la santé de notre système auditif, dans le cas d’une exposition de plus de 15 min/jour. Car ça s’entend, la pollution sonore, que dis-je la vacarmisation, est un contaminant au même titre que des substances toxiques indésirables qu’un camion viendrait déverser dans votre cour. D’autant plus qu’une exposition prolongée aux bruits peut aussi causer une perte auditive, grave et permanente. Je sais de quoi je vous parle, pour une bonne raison,  j’ai personnellement abusé des décibels… (https://www.ameqenligne.com/entrevue.asp?ID=46769)  Mais plus encore… Cette pollution sonore, tout comme celle d’ailleurs des voitures et camions, des systèmes de son ou IPod poussés au Max, perturbe le sommeil. Elle a des effets cardio-vasculaires et psychophysiologiques, en plus de compromettre la qualité de notre  travail et de provoquer des réactions d'antipathie et d’hostilité.

Dit autrement et de façon plus claire, quand les quelques rares poils que j’ai sur les bras se dressent au seul passage d’une rugissante moto, je vous dirais que j’en ai plein mon casque… Vous me répondrez sans doute que je suis intolérant comme un ex-fumeur qui ne supporte absolument plus qu’on fume en sa présence? Peut-être bien… Après tout, je fais partie de cette insouciante génération de baby-boomers où certains pilotes de Mustang ou de Duster conduisaient avec une petite bière entre les jambes… On me dira donc avec raison que je n’ai pas à faire la leçon de morale à personne. On s’entend… Cela dit, est-ce qu’on est obligé de répéter ad nauseam, les mêmes comportements de mongols ? J’aimerais tellement dire que de nos jours on a vraiment évolué… Mais non, il semble qu’un ti-gars demeure un ti-gars.

Qu’on s’entende… Je ne pars pas en guerre contre les amateurs de motos, car j’en étais un. Et comme y a 30 fois plus d’automobiles et de camions légers que de motocyclettes sur nos routes, il y a donc probablement tout compte fait autant, sinon plus d’automobiles bruyantes, que de motocyclettes… Et puis, ce ne sont pas toutes les engins ni tous les motocyclistes qui dépassent les bornes. Par contre, ils sont de plus en plus nombreux, semble-t-il, toute proportion gardée… Le Comité d’Action politique Motocycliste (CAPM) estime qu’il n’y aurait que 2% de motocyclistes problématiques soit 2800 au Québec. Le Regroupement québécois contre le Bruit https://www.rqcb.ca/fr/motocyclettes.php  (RQCB), estime quant à lui que 40 % des 140,000 motos circulant au Québec dépasseraient le seuil « acceptable » des 80 décibels. Moi je dirais, sans risque de me tromper, que la vérité se situe probablement quelque part entre le 2 % et le 40 %. Ce que l’on entend en tout cas, c’est que certains poussent leur ramdam jusqu’à 95, 100 voire 105 décibels, flirtant ainsi avec l’intensité du marteau-piqueur, et le risque de voir se détériorer notre ouïe. Pas surprenant qu’on ait déjà évalué qu’à Montréal, une moto qui traverse le centre-ville en pleine nuit, réveille quelque 50 000 personnes, et trouble le sommeil de plus de 300 000 autres... Lorsque j’habitais sur la rue St-Jean au centre-ville de Québec, lors des belles nuits d’été ou on aime à dormir les fenêtres ouvertes, ce qui est devenu un sport extrême, j’ai d’ailleurs souventes fois vécu ce même phénomène… Disons que nous devions être alors, grosso moto, plusieurs milliers à cauchemarder… Nous faisions alors partie des 15 % de Canadiens, donc près de 5 millions de citoyens, qui se plaignent de mal dormir en raison du bruit, comme l’estime le Laboratoire de recherche sur le sommeil du Centre Fernand-Seguin.

Mais comment se fait-il qu’autant de Kawasaki, Honda, Harley, Suzuki, Yamaha, Johnny Pag, Aprilia et BMW contribuent à faire autant de boucan? C’est simple. Dans bien des cas, parce que certains taouins casqués veulent faire encore plus de bruit, et modifient leurs « silencieux » pour pétarader plus fort et surtout tenter d’épater la galerie. Plus efficaces qu’une carte de hockey ou qu’un trou fait avec un clou, ce qu’on appelle « straight-pipes », « loud pipes », « drag pipes » ou  « racing pipes », prolifèrent ces dernières années. Longtemps attribués aux seuls proprios d’Harley Davidson, on en trouve maintenant de plus en plus chez les propriétaires de motos japonaises de type « cruiser » et « standard ». Il s’agit d’un véritable système d'échappement, mais sans aucun silencieux… Brillant n’est-ce pas?  Sinon, on parle de modifications ou de tuning… En passant, Tuning n’est pas une ville chinoise… Certains se contentent en effet d’extirper la moitié du précieux « muffler ». D’autres décident plutôt de l’évider. Enfin il existe aussi des « silencieux » à sonorité ajustable qui permettent hypocritement de jouer aux silencieux enfants de choeur en présence des policiers, mais de renouer avec un son assourdissant quelques secondes plus tard, une fois la « menace » passée. D’ailleurs, sur de nombreux blogues, on s’échange à qui mieux mieux, plein de trucs pour que le silencieux ne soit justement plus silencieux…

Mais alors, qu’est-ce que les policiers attendent, pour agir et contrer cette pollution sonore? Disons à leur décharge, qu’il semble jusqu’à maintenant extrêmement difficile et contestable d’évaluer précisément l’essentiel, soit le niveau du bruit qui est émis. Dans un milieu fermé ca se fait, mais sur le bord de la route, plein d’autres bruits viennent fausser l’analyse. Au point ou en cours, on ne poursuit presque plus en vertu de la norme 94, qui stipulait que l'échappement ne peut être modifié pour en augmenter le bruit. On poursuit plutôt les contrevenants pour avoir modifié leur pot ou tuyau d’échappement, en ne conservant pas les caractéristiques d'origines, ce qui est interdit en vertu de la norme 91.  Si la preuve est bien montée, avec photos et témoignage d’expert en cours, on peut alors imposer des amendes… Par contre,  le seul outil de travail pour coincer les amateurs de décibels, est ce qu’on appelle dans le milieu le test de la broche… Vous ne connaissez pas le test de la broche ? Vous allez voir qu’il porte son nom, car le système au fil des ans, s’avère de plus en plus broche à foin… Au point ou on risque de le contester de plus en plus. De quoi s’agit-il ? Pour savoir si on a bel et bien modifié un silencieux, le policier dubitatif insère dans l’appareil une tige en métal souvent confectionnée avec une broche de cintre ou si vous préférez un support (à vêtement). On veut ainsi mesurer la profondeur du mautadit muffler, et statuer s’il y a eu modifications, par exemple s’il est plus profond que l’original. Si la broche s’enfonce plus que prévue, c’est souvent qu’on a supprimé les déflecteurs internes en forme de S, et qu’alors, comme on dit en tswana, le silencieux est « free flow » c'est-à-dire sans barrière interne, puisque la broche n’a pas rencontré d’obstacles. Bon… C’est un peu technique, mais qui sait si ça ne vous fera pas de bons sujets de conversations autour d’un feu de camp cet été. Sérieusement…

Le problème, c’est que la technologie de certains silencieux a bien évolué ces dernières années. Tellement que certains, tout à fait en norme en ce qui à trait au bruit, selon Transport Canada, pourrait échouer le « fameux » test de la broche. Même les BMW de certains corps policiers ne passeraient pas ce test, aux dires du Comité d’Action politique Motocycliste. On pourrait en effet, dit-on, insérer un manche à balai dans le silencieux de ces motos modèles, même si ces dernières ne sont pas du tout bruyantes … Quand je vous disais que cette façon de faire est  un peu « broche à foin »…

La bonne nouvelle pour nous, « chialeux » de citoyens, et la mauvaise nouvelle pour nos fanfarons de motards et motocyclistes qui veulent se faire remarquer, c’est qu’il y aurait bientôt une nouvelle façon de procéder pour mesurer le niveau de bruit. On en en train de développer en effet en ce moment au Québec, un protocole d’intervention pour que les policiers puissent mesurer le degré d’intensité du bruit émis, à l’aide d’un sonomètre, qui mesure justement les décibels. La SAAQ plancheraient là-dessus, et a même confié à des chercheurs de l’Université Laval, d’accoucher pas plus tard que l’automne prochain d’un protocole d’intervention à l’intention de nos policiers. Des tests auront d’ailleurs lieu dès cette semaine et  teindront  compte des récentes normes révisées de la SAE (Society automotive engineers).  Ainsi, on aurait enfin un outil de mesure précis, qui statuerait si oui ou non, le véhicule fait plus de 80 décibels… On pourrait ainsi, enfin, appliquer la loi du gros bon sens… De même, les motocyclistes pourraient alors légalement et sans être harcelé, modifier leur damné silencieux pourvu que preuve à l’appui, il n’émette pas plus que 80 décibels, comme le stipule Transports Canada.

Mais d’ici à ce que nos policiers apprennent à se servir d’un sonomètre, comme ils ont appris à se servir d’un radar, d’un ivressomètre ou d’une charte pour identifier les vitres trop teintées,  attendez-vous à quelques manifestations à portée éducative. Un projet-pilote se déroulera en juillet dans la belle région de St-André d’Argenteuil, sur la route 344 près d’Oka, qui est très prisée par les motocyclistes. En collaboration avec la Sureté du Québec, la municipalité de St-André, la SAAQ, Transport-Québec, la Fédération motocycliste et le Comité d’action politique motocycliste, on va intercepter les motos bruyantes. Oh… On ne leur donnera pas de billets d’infraction pendant une ou deux fins de semaine, par contre on va plutôt miser sur la sensibilisation et l’information.

Un peu comme on l’avait prôné à l’époque des campagnes contre le tabagisme, on tentera d’éveiller les contrevenants au fait que de faire du bruit n’est pas un droit, mais un manque de respect. On va miser sur la pression que peuvent exercer les pairs pour les convaincre qu’ils font partie du problème… On y insistera sur le fait que de petits gestes font souvent des grosses différences, par exemple de ne pas donner de coup d’accélérateur, de ne pas trop compresser, ou de ne pas accélérer fortement à la sortie de la ville, car le son « voyage » lui aussi sur plusieurs kilomètres. Si cela fonctionne bien, d’autres municipalités pourraient emboîter le pas afin de dire « oui » on veut développer ce créneau touristique que sont les motocyclistes, mais pas à n’importe quel prix… Qui sait, pourrait-on voir aussi bientôt une campagne nationale contre le bruit… Ça serait bien non…? On s’entend!

Pour plus d'information

François Thibouthot
Adresse: Journaliste chroniqueur
Québec
Canada
François Thibouthot
Journaliste chroniqueur

François Thiboutôt est journaliste et chroniqueur. Fort de 25 ans d'expérience à l'antenne de Radio-Canada, TQS, Télé-Québec et TVA, il consacre désormais son travail de communicateur engagé, à vulgariser les grands enjeux de la consommation responsable et du développement durable. François Thiboutôt agit aussi comme consultant auprès d'entreprises et d'institutions désireuses de prendre un véritable virage vert. Il est membre de l'AProDD (Association des Professionnels en Développement Durable) Au sein de l'Agence de conférenciers en environnement et développement durable « Terre à Terre » il présente aux quatre coins du Québec, sa conférence portant sur l'empreinte écologique intitulée « L'Urgence d'une Consommation Responsable ».