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Crise, municipalités, développement durable et plans d'action

20 février 2009

La façon dont nos gouvernements réagissent à la présente crise met en péril tout développement durable. À travers l’histoire du capitalisme, les crises se sont succédé sans nécessairement se ressembler. Une période d’austérité n’a pas toujours été suivie d’une reprise plus ou moins rapide surtout lors d’une dépression. Le problème c’est qu’en voulant à tout prix éviter une récession, les gouvernements ne font quelquefois qu’empirer la situation. Pour surmonter l’éclatement de la bulle « techno » au détour de l’an 2000, une autre a été crée, plus profonde et dévastatrice, une spéculation immobilière sans précédent. Aujourd’hui, ce sont les générations futures qui sont mises aux enchères.

Tout ce passe comme si une période d’austérité est maintenant injustifiable sur le plan économique ou social. En fait, une récession permet d’assainir une exubérance des marchés, une surproduction de biens et de services, une surconsommation. Elles ne sont indéfendables que pour les politiciens qui craignent le mécontentement populaire et perdre leurs élections. Bien sur, il existe des mécanismes permettant aux gouvernements d’en adoucir les aspérités. Mais dans cette dernière décennie, les politiciens et banquiers ont joué les alchimistes et brandi des formules magiques. Le laissez-faire et la déréglementation ont permis d’introduire en bourse des milliers d’entreprises dites technologiques qui ne valaient même pas leurs papiers d’enregistrement. En 2002, les cours se sont effondrés, les actionnaires ont perdu des fortunes. Pour éviter une récession pourtant nécessaire, les taux d’intérêt ont été ramenés à 1 %. L’objectif était de permettre une renégociation des hypothèques et de diriger les capitaux ainsi libérés vers la consommation. La récession fut effectivement de courte durée mais à quel prix? Nous le savons maintenant au sortir d’une bulle d’endettement et de spéculation sans précédent. Le système financier international s’est disloqué et nous entrons dans une dépression qui, par définition, implique une récession plus profonde et de longue durée.

Après avoir nié l’existence d’une récession, nos politiciens, que ce soit aux États-Unis, en Europe, en Asie, au Canada et même au Québec, font maintenant campagne pour des plans d’urgence et une relance de l’économie, c'est-à-dire la consommation. Les banques, les investisseurs et les consommateurs croulent sous les dettes. Conclusion toute keynésienne : les États doivent prendre la relève en recourant à des déficits budgétaires. Mais ces déficits, qui reposent ultimement sur les épaules des contribuables, seront aussi gigantesques que la bulle spéculative à l’origine de la dépression.

Des années de débats, de colloques, de sommets ont permis une prise de conscience : le développement actuel est insoutenable pour l’avenir de la planète. De nombreux pays ont adopté des politiques favorisant un développement durable. Il en va ainsi du Québec qui a adopté une loi en ce sens en 2006. Elle s’inspire de la Commission mondiale sur l’environnement et le développement et du Rapport Brundtland. Au cœur de cette loi,  il y a cet engagement d’un développement « qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs. » Dans la mesure où les déficits gargantuesques, fédéral comme provincial,  reposeront sur les futures générations, je me demande ce que vaut pareil énoncé dans la loi.

Plusieurs économistes, et je partage cet avis tout en souhaitant me tromper, croient que les mesures d’urgence actuelles, qui reposent sur des déficits budgétaires, ne résoudront pas la crise, mais l’étireront sur une plus grande période. D’autres, de concert avec les politiciens, affirment que sans l’intervention massive des États, la dépression sera pire. En une seule année, le Trésor américain et la Réserve fédérale ont déversé plus de cinq trillions de dollars en plans d’urgence, principalement pour sauver Wall Street, un système bancaire tellement avide, rapace et incompétent qu’il s’est effondré. Le président Barak Obama s’est dit prêt à injecter un autre trillion s’il le fallait ; mais le marché boursier s’est prononcé la semaine dernière : toute cette aide sera insuffisante.

La crainte est donc que l’endettement des générations futures ne serve qu’à peu de chose ; qu’au bout du compte on se retrouve encore en récession parce la crise actuelle exige une toute autre approche. Qu’on le veuille ou non, il faudra passer par des mesures d’austérité et questionner l’élite financière et notre façon de consommer. Les municipalités auront un important rôle à jouer.

Des plans d’action

Heureusement chaque crise a une fin et offre aussi des opportunités. Quand les gouvernements ploieront sous les déficits, ils n’auront d’autres choix que d’adopter des programmes d’austérité. Mais ils n’auront pas préparé les citoyens à se serrer la ceinture et faire preuve de solidarité. C’est ici qu’entre en jeu les municipalités et les MRC.

Des régions sont déjà touchées par des fermetures d’usines. Des municipalités voient ou verront sous peu leurs sources de financement s’affaiblir puisque leur fiscalité dépend de l’immobilier. En revanche, les dépenses seront difficilement compressibles : déneigement, voirie, aqueduc, assainissement des eaux, incendie, cueillette des ordures etc. Il y aura des choix difficiles à faire dont le succès reposera entièrement sur la participation citoyenne. Et pour s’assurer de celle-ci, il faudra faire preuve d’une grande transparence.

Des plans d’action doivent être élaborés dans chacune des régions avec la mise en commun des ressources de toutes les municipalités, des MRC et des organismes œuvrant dans le développement. Dans un premier temps, il faudra dresser un portrait de la situation avec les enjeux que cela comporte et l’exposer au public. Différents scénarios devront ensuite être soumis à la population afin de s’assurer une grande solidarité. Si la crise devait se prolonger, l’exode des jeunes et le décrochage scolaire pourraient s’accélérer. Est-ce qu’il y a des alternatives : travail communautaire, économie sociale, parrainage, heures partagées? Chose certaine, il faudra faire preuve d’originalité. D’autre part, un gel des salaires des employés municipaux deviendra nécessaire, ce qui implique une bonne communication de l’état des finances municipales auprès des citoyens et un dialogue constant avec les salariés. Les leaders régionaux devront s’impliquer tant auprès des travailleurs que des chefs d’entreprise afin d’éviter des conflits ou des fermetures. Il y aura du mécontentement et des grèves. Les élus ne devront pas laisser les syndicats seuls à la table des négociations. Ils auront un rôle de médiation important à entreprendre.
Dans certaines régions, il faudra prévoir une plus grande autonomie alimentaire et des mesures de transport collectif. Le zonage agricole devrait permettre l’installation de petites communautés sur des terres en friche. Des retraités pourraient ainsi avoir chacun leur domicile tout en mettant en commun des moyens de transport, des outils et des équipements pour l’entretien ou le jardinage. Ce pourrait être aussi une solution pour les plus jeunes.

Ces quelques suggestions découlent d’une conviction profonde : la présente crise appelle des changements majeurs, tout comme le requiert la planète en matière d’environnement. Elle interpelle chacun de nous. Il ne faut pas attendre après les gouvernements pour prévoir des virages importants. Les citoyens devront s’impliquer directement à tous les échelons. Les municipalités sont non seulement les mieux placées mais elles peuvent aussi montrer la voie. D’autant plus qu’elles sont les pionnières en matière de développement durable.

Pour plus d'information

André Lavoie
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André Lavoie