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Les fameux «tickets de stationnement» : des moyens de défense sont-ils maintenant possibles?

21 septembre 2018

Depuis L'Écuyer c. Charlesbourg (Ville de), il y a plus de 30 ans, les infractions de stationnement étaient considérées comme de responsabilité absolue. En termes simples, cela signifiait qu'il était impossible de présenter une défense de diligence raisonnable ou d'erreur de fait (par exemple, avoir payé le mauvais parcomètre) afin d'être acquitté de l'infraction reprochée. En effet, dès que la poursuite prouvait hors de tout doute raisonnable que la place de stationnement n'avait pas été payée, un verdict de culpabilité était automatiquement prononcé.

Un vent nouveau

Or, la Cour d'appel, dans un jugement datant du 14 février 2018, vient de confirmer la décision de l'honorable juge Guy Cournoyer d'annuler la condamnation d'une citoyenne relativement à l'article 41 du règlement 0280-000 concernant la circulation et le stationnement de la Ville de Saint-JérômeCette dernière avait indiqué en première instance qu'elle avait inséré des pièces de monnaie dans le mauvais parcomètre. La présence d'une entrée de véhicule et de la neige avait fait en sorte qu'elle n'avait pas bien vu les cases de stationnement qui étaient peintes sur la chaussée. Quelle ne fut pas sa surprise, à la fin de la soirée, lorsqu'elle a trouvé un constat d'infraction sous son essuie-glace, et ce, même s'il lui restait encore huit minutes à écouler.

Ce que dit la loi

Le texte de la loi doit être le facteur principal et prépondérant afin de décider si l'infraction reprochée est de responsabilité absolue ou non. Ainsi, c'est grâce à la lecture de ce dernier que le tribunal pourra établir l'intention du législateur. Si les termes utilisés pour décrire l'infraction n'y énoncent pas une interdiction absolue de se garer dans les places visées, mais plutôt une réglementation de l'emplacement et de la durée du stationnement, l'infraction ne pourra être considérée comme de responsabilité absolue. Dans le cas présent, le tribunal a considéré que les expressions utilisées, « quiconque contrevient », « doit », « il est défendu » et « nul ne peut », n'étaient pas déterminantes pour conclure à une infraction de responsabilité absolue. Par ailleurs, le règlement mis en cause n'énonçait aucune exclusion de moyen de défense (jugement de la Cour d'appel, paragr. 91).

[ ] Ainsi, sauf indication législative claire de créer une infraction de responsabilité absolue, les défenses de diligence raisonnable et d'erreur de fait peuvent être opposées aux infractions réglementaires. Il n'y a là rien de vraiment nouveau et encore moins d'inquiétant, bien au contraire. 

Gravité de la peine

La gravité de la peine est un facteur qui doit également être pris en considération dans l'analyse. Il est bien évident que l'amende attribuable à ce genre de constat n'est pas très élevée comparativement à d'autres infractions. Toutefois, l'impossibilité de présenter une défense à l'encontre d'une conduite non blâmable, et ce, peu importe le caractère de l'infraction et le montant en cause, n'est pas favorable pour l'image de la justice (jugement de la Cour d'appel, paragr. 88) :

[ ] Exclure les défenses de diligence raisonnable et d'erreur de fait sur le simple fondement que les infractions de stationnement ne conduisent qu'à des amendes minimales serait transformer celles-ci en impôts déguisés (Gisèle Côté-Harper, Pierre Rainville et Jean Turgeon, Traité de droit pénal canadien, 4e éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, 1998, p. 603 : «Abolir l'infraction de responsabilité absolue et permettre une défense diligente raisonnable ne serait pas une révolution en droit pénal»).

Un dossier à suivre

Seules les années pourront nous dire si cette nouvelle tendance sera appliquée par les tribunaux. Par ailleurs, afin d'éviter une visite à une cour municipale, il restera toujours préférable de doublement vérifier l'endroit où vous garez votre véhicule, quoique le sujet relativement à la confusion des panneaux de stationnement pourrait bien faire l'objet d'un autre débat.

Références

  • L'Écuyer Charlesbourg (Ville de), (C.S., 1988-10-19), SOQUIJ AZ-89021010, J.E. 89-46.
  • Ville de Saint-Jérôme c. Sauvé (C.A., 2018-02-14), 2018 QCCA 234, SOQUIJ AZ-51468514.  À la date de diffusion, la décision n'avait pas fait l'objet de pourvoi à la Cour suprême du Canada.
  • Sauvé c. St-Jérôme (Ville de), (C.S., 2015-12-09), 2015 QCCS 6476, SOQUIJ AZ-51255744, 2016EXP-1148, J.E. 2016-626.

Pour plus d'information

MeAmélie Pilon

MeAmélie Pilon
Conseillère juridique

Diplômée en droit de l'Université de Montréal et membre du Barreau du Québec depuis mars 2010, Me Amélie Pilon a commencé sa carrière au Centre communautaire juridique de Montréal, où elle a exercé le droit criminel en tant qu'avocate de la défense. Elle a par la suite poursuivi sa pratique en cabinet privé. Elle est entrée en 2017 au service de SOQUIJ, d'abord en tant que conseillère juridique spécialisée en droit criminel et en déontologie policière, puis en droit des lésions professionnelles. De plus, elle prépare et présente des formations thématiques en droit et est l'auteure d'articles publiés dans le Blogue.