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Cellulaire au volant : le point sur les usages permis et interdits selon la jurisprudence

11 septembre 2020

Tous les conducteurs savent (ou devraient savoir) qu'il est interdit de faire usage d'un téléphone cellulaire en conduisant, sauf en utilisant un dispositif mains libres. Mais qu'en est-il de l'utilisation de la fonction haut-parleur du téléphone ou de la consultation de l'écran afin de consulter une application de géolocalisation?

La médiatisation récente de décisions portant sur l'infraction d'avoir conduit un véhicule en faisant usage d'un téléphone cellulaire m'a inspiré une revue de la jurisprudence sur l'article 443.1 du Code de la sécurité routière, entré en vigueur en juin 2018.

Ce que dit l'article 443.1 du Code de la sécurité routière

Il est interdit au conducteur d'un véhicule routier et au cycliste:

  • de faire usage d'un téléphone cellulaire ou de tout autre appareil portatif conçu pour transmettre ou recevoir des informations ou pour être utilisé à des fins de divertissement
  • de faire usage d'un écran d'affichage

sauf dans les cas suivants :

  • le conducteur utilise un dispositif mains libres
  • le conducteur ou le cycliste consulte l'information affichée sur un écran d'affichage, y compris celui d'un appareil portatif, ou actionne une commande de l'écran dans les conditions suivantes :
    • l'écran est intégré au véhicule ou il est installé sur un support, amovible ou non, fixé au véhicule
    • l'écran affiche uniquement des informations utiles à la conduite du véhicule ou liées au fonctionnement de ses équipements usuels
    • l'écran est placé de manière à ne pas gêner la vue du conducteur ou du cycliste
    • il est possible de consulter et de faire fonctionner l'écran sans gêner la conduite

De plus, le conducteur du véhicule routier ou le cycliste qui tient en main, ou de toute autre manière, un appareil portatif est présumé en faire usage.

Usages jugés interdits

Entretenir une conversation en utilisant la fonction haut-parleur du téléphone

  • Alors que le cellulaire est accroché à la ceinture de sécurité du conducteur. (Ville de Laval c. Scricca)
  • Alors que le téléphone est tenu près du visage du conducteur par le passager. (Ville de Montréal c. Langelier-Aouad)
  • Le terme «dispositif mains libres» fait référence à un appareil ou à un équipement et non au fait de ne pas avoir le téléphone sur soi. Ainsi, seule l'utilisation d'un tel dispositif est permise, l'infraction de faire usage d'un téléphone cellulaire étant commise si celui-ci est sur le siège du véhicule ou tenu par quelqu'un. (Ville de Rosemère c. Poulin)
Depuis la publication de ce billet, la Cour supérieure s'est prononcée sur l'utilisation, pendant la conduite d'un véhicule routier, de la fonction haut-parleur d'un téléphone à titre de dispositif mains libres. Voir Cellulaire au volant : Votre conjoint est-il un « dispositif mains libres »? (suite) (7 août 2020).

Faire recharger son téléphone

Utiliser son téléphone alors que le véhicule est immobilisé au bord de la route

L'interdiction ne s'applique pas au conducteur d'un véhicule qui est stationné légalement, conformément à l'article 443.7 du Code de la sécurité routière, le terme «stationné» devant être interprété comme étant retiré de la circulation et non simplement immobilisé, même sur le côté de la route. (Municipalité de Saint-Joseph-du-Lac c. Graham) 

Utiliser son téléphone cellulaire dans un lave-auto

Un véhicule immobilisé dans un lave-auto n'est pas «stationné» au sens de l'article 443.7 du Code de la sécurité routière. (Ville de Rosemère c. Poulin)

Prendre des notes sur son téléphone

La prise d'une note sur un téléphone cellulaire alors que le véhicule est immobilisé à un feu rouge n'est pas permise, le véhicule n'étant pas «stationné» selon l'article 443.7 du Code de la sécurité routière. (Ville de Québec c. Duplain) 

Programmer une adresse sur une application GPS du téléphone alors que le véhicule est immobilisé à un feu rouge

L'expression «actionner une commande» renvoie à une opération simple et brève, comme celle de toucher une icône de l'écran ou d'appuyer sur la commande «démarrer» d'une application de localisation GPS, mais non à l'opération plus longue et complexe qui consiste à saisir l'adresse de la destination. (Ville de Montréal c. Primeau-Ferraro)

Regarder brièvement la fonction GPS affichée sur l'écran du téléphone cellulaire tenu par la passagère

Si la main tendue de la passagère du véhicule peut constituer un support permettant au conducteur de consulter l'information affichée sur l'écran d'un téléphone cellulaire ou d'un appareil portatif au sens de l'article 443.1 du Code de la sécurité routière, on ne saurait prétendre que cette main est un élément fixé au véhicule, et ce, même si la passagère est assise et porte une ceinture de sécurité. (Ville de Sainte-Catherine c. El-Kheir)

Usages jugés permis

Consulter l'écran d'affichage de son téléphone cellulaire, actionner la commande d'ouverture de l'application Google et y programmer une adresse, le tout en tenant une conversation téléphonique en mode «mains libres»

Bien que cela puisse représenter une dangereuse distraction au volant, le libellé de l'article 443.1 du Code de la sécurité routière permet l'exécution de toutes ces manoeuvres en même temps. (Ville de Saint-Jérôme c. Noel

Tenir une conversation en utilisant la fonction haut-parleur, alors que le téléphone est dans la console centrale du véhicule

La fonction haut-parleur d'un téléphone cellulaire correspond à un «dispositif mains-libres» au sens de l'article 443.1 du Code de la sécurité routière, et le téléphone n'a pas à être sur un support fixé au véhicule pour tenir une conversation téléphonique au moyen d'un dispositif mains libres. (Ville de Saint-Jérôme c. Fortin)

Ramasser son téléphone tombé au sol

Lorsque le véhicule est immobilisé à un feu rouge, il est possible de ramasser un téléphone cellulaire tombé au sol, de l'essuyer et de le ranger. (Ville de Saint-Jérôme c. Lemay Pouliot)

Faire un zoom sur l'image affichée à l'écran du téléphone dans l'application GPS Waze

Le défendeur n'a pas commis d'infraction en utilisant 2 doigts afin d'agrandir l'image affichée sur l'écran de son téléphone cellulaire, lequel était installé sur un support fixé au véhicule, à savoir le trajet de son itinéraire dans l'application de localisation GPS Waze. (Ville de Montréal c. Safa)

Références

  • Ville de Laval c. Scricca (C.M., 2019-09-30), 2019 QCCM 152, SOQUIJ AZ-51632455, 2019EXP-2802.
  • Ville de Montréal c. Langelier-Aouad (C.M., 2019-11-15), 2019 QCCM 173, SOQUIJ AZ-51645336.
  • Ville de Rosemère c. Poulin (C.M., 2019-03-19), 2019 QCCM 47, SOQUIJ AZ-51578756, 2019EXP-913. Selon le plumitif, l'appel de ce jugement a été entendu par la Cour supérieure et l'affaire est en délibéré : appel sur la culpabilité, 2019-04-18 (C.S.), 700-36-001488-195.
  • Ville de Saint-Jérôme c. Gosselin (C.M., 2020-06-03), 2020 QCCM 79, SOQUIJ AZ-51691582. À la date de diffusion, la décision n'avait pas été portée en appel.
  • Directeur des poursuites criminelles et pénales c. Lévesque (C.Q., 2019-07-04), 2019 QCCQ 5451, SOQUIJ AZ-51621943, 2019EXP-2666.
  • Municipalité de Saint-Joseph-du-Lac c. Graham(C.M., 2018-12-10), 2018 QCCM 272, SOQUIJ AZ-51552403, 2019EXP-257.
  • Ville de Québec c. Duplain (C.M., 2019-02-08), 2019 QCCM 42, SOQUIJ AZ-51578078, 2019EXP-912.
  • Ville de Montréal c. Primeau-Ferraro (C.M., 2020-02-12 (jugement rectifié le 2020-03-19)), 2020 QCCM 20, SOQUIJ AZ-51670334, 2020EXP-601. Appel sur la culpabilité, 2020-03-13 (C.S.), 500-36-009618-201.
  • Ville de Sainte-Catherine c. El-Kheir(C.M., 2019-08-20), 2019 QCCM 120, SOQUIJ AZ-51622078, 2019EXP-2463.
  • Ville de Saint-Jérôme c. Noel(C.M., 2019-04-11), 2019 QCCM 61, SOQUIJ AZ-51587129, 2019EXP-1490.
  • Ville de Saint-Jérôme c. Fortin (C.M., 2020-06-03), 2020 QCCM 78, SOQUIJ AZ-51691581. À la date de diffusion, la décision n'avait pas été portée en appel.
  • Ville de Saint-Jérôme c. Lemay Pouliot (C.M., 2020-02-19), 2020 QCCM 21, SOQUIJ AZ-51671806, 2020EXP-802.
  • Ville de Montréal c. Safa (C.M., 2020-02-17), 2020 QCCM 19, SOQUIJ AZ-51670072, 2020EXP-600.

Pour plus d'information

Catherine Vaillancourt-Gauvreau

Catherine Vaillancourt-Gauvreau
Avocate

Catherine Vaillancourt-Gauvreau est conseillère juridique à SOQUIJ depuis avril 2018. Avocate depuis 1995, elle a exercé en pratique privée, a été conseillère juridique au sein de la fonction publique québécoise, notamment au Secrétariat à l'adoption internationale, et a été rédactrice juridique pigiste pour La référence (Éditions Yvon Blais) pendant plusieurs années. Elle écrit pour L'Express en matière de droit criminel et pénal.