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Adoption de mesures de protection contre la COVID-19 en milieu de travail: légitimité et conséquences du non-respect

26 mars 2021

Bien qu'il soit encore trop tôt pour entrevoir une reprise importante des activités dans les milieux de travail ou un retour à la vie normale, l'état de la situation liée à la pandémie de la COVID-19 semble vouloir se stabiliser au Québec. La campagne de vaccination, bien amorcée, laisse entrevoir un retour éventuel de plus d'employés sur les lieux de travail.

Le respect des normes sanitaires en milieu de travail pour limiter les risques d'éclosion demeurera certainement primordial et la vigilance de tous sera de mise pour s'assurer du respect des consignes des autorités de la santé publique. Si ce n'est pas déjà le cas, les employeurs peuvent se doter d'une politique ou d'un règlement sur les mesures de prévention de la COVID-19 et, évidemment, le non-respect d'une telle politique pourrait être sanctionné par une mesure disciplinaire. C'est d'ailleurs ce qui découle d'une sentence arbitrale rendue en décembre 2020 confirmant le congédiement d'une salariée ayant fait une fausse déclaration au questionnaire COVID-19 imposé par l'employeur au début de la journée de travail.

Les faits

L'usine où travaillait la plaignante fait de la production, de la transformation et de l'emballage de produits frais et de certains produits de cuisson. L'entreprise étant un service prioritaire au sens du Décret concernant l'ordonnance de mesures visant à protéger la santé de la population dans la situation de pandémie de la COVID-19, du 24 mars 2020, elle a continué ses activités. Puisque la distanciation de 2 mètres était impossible sur la ligne de production, l'entreprise a mis en place des procédures pour protéger la santé et la sécurité de tous, tout en continuant sa production malgré la pandémie et la suspension des activités en milieu de travail. Les procédures mises en place imposaient notamment à tous les salariés de prendre leur température et de répondre à un questionnaire portant sur les symptômes possibles pour avoir l'autorisation d'entrer à l'usine, et ce, chaque matin. Or, durant 5 journées consécutives, la travailleuse s'est présentée au travail et n'a pas déclaré que son conjoint, qui a par la suite reçu un résultat de test positif à la COVID-19, ressentait des symptômes. Estimant qu'il s'agissait d'une faute grave dans le contexte (en avril 2020, soit au début de la pandémie de la COVID-19) qui aurait pu avoir des conséquences sérieuses sur la santé de ses collègues, l'employeur a congédié la salariée. Celle-ci a contesté son congédiement, faisant valoir qu'elle n'avait eu aucun symptôme et que ni elle ni ses enfants n'avaient contracté le virus.

La décision

L'arbitre La Forge indique d'abord que, pour apprécier la justesse de la décision de l'employeur, il faut se placer à la date où elle a été prise, en l'occurrence le 7 avril 2020, en pleine pandémie dont personne ne connaissait l'ampleur. Il affirme ensuite que: «[ ] l'employeur a le droit de prendre tous les moyens pour préserver sa production et a l'obligation de prendre toutes mesures nécessaires pour assurer la santé et la sécurité de ses salariés. Cependant, quelles que soient ces mesures, il reste dépendant de la bonne foi de ses salariés» (paragr. 20).

Ainsi, la salariée devait se conformer aux mesures de prise de température et de réponse à un questionnaire qui, de l'avis de l'arbitre, sont des mesures tout à fait légitimes et même nécessaires, vu les circonstances particulières. En effet, la ligne de production forçant les salariés à travailler sans pouvoir respecter la distanciation physique de 2 mètres, l'employeur ne bénéficiait que d'une très mince marge de manœuvre pour prévenir efficacement les risques qu'une éclosion ne survienne. Au surplus, la travailleuse a affirmé dans son témoignage qu'elle n'avait pas l'intention de retourner chez l'employeur. Le remède habituellement recherché, soit la réintégration, ne pouvait être appliqué. Le grief contestant le congédiement a été rejeté.

Un outil pour vous aider à évaluer la sanction appropriée

Cette décision est l'une des rares à avoir été rendue en la matière au Québec depuis le début de la pandémie de la COVID-19. Devant de tels cas d'employés qui omettent de respecter les règles ou politiques mises en place par une entreprise visant le contrôle de la propagation du virus, il peut toutefois s'avérer difficile pour un employeur de déterminer la mesure la plus appropriée afin de sanctionner un manquement de ce type.

Comme toute autre politique d'entreprise, son non-respect pourrait être sanctionné par une mesure disciplinaire. La sévérité de la sanction en pareil cas dépendra bien évidemment d'un éventail de facteurs (gravité du geste, préjudice occasionné par celui-ci, emploi occupé par le salarié visé, contexte particulier dans lequel la décision a dû être prise par l'employeur, etc.).

Afin de prendre une décision plus éclairée quant à la sanction appropriée en cas d'entorse à un règlement d'entreprise, l'outil Aide à la décision peut vous permettre d'évaluer facilement la stratégie à adopter.

Par exemple, pour évaluer si le congédiement est la sanction appropriée dans un cas comme celui à l'étude, une recherche dans Aide à la décision vous permettra de connaître rapidement le sort réservé par les tribunaux à une telle mesure imposée par un employeur:

  • Déterminez d'abord les faits pertinents de votre dossier, dans les menus déroulant des catégories. Dans la liste des Manquements de l'employé, choisissez l'élément «Manquement à un règlement d'entreprise», puis «Congédiement» dans la liste des Mesures prises par l'employeur.
  • Cliquez sur Voir la synthèse, pour obtenir la synthèse qui correspond aux critères sélectionnés.

  • Vous obtiendrez ainsi une synthèse* des tendances jurisprudentielles, présentées sous forme de graphiques et relatives à une situation comparable aux éléments sélectionnés.

Les graphiques présentant les tendances jurisprudentielles sont constitués à partir des décisions qui contiennent les faits sélectionnés ainsi que des caractéristiques pertinentes. Celles-ci se trouvent sous le graphique, dans la liste des décisions correspondant aux critères sélectionnés.

En l'espèce, vous remarquerez que 511 décisions correspondent aux éléments que vous avez initialement sélectionnés. Vous pouvez voir rapidement dans le graphique que le congédiement, dans des cas de manquements à un règlement d'entreprise, a été le plus souvent confirmé qu'annulé ou modifié (58 % des cas).

Ces tendances pourront vous guider plus rapidement dans la prise de décision et vous permettre de voir plus clair dans un dossier semblable. Afin de compléter votre analyse, vous pourrez ensuite consulter la liste de décisions ayant permis de constituer le graphique.

Pour obtenir un aperçu du contexte factuel et des sujets discutés parmi les décisions obtenues et ainsi effectuer une analyse complète, vous pouvez consulter l'indexation de chaque décision, en cliquant sur la flèche située à gauche de la liste. Par ailleurs, en cliquant sur l'intitulé de chacune des causes, vous pourrez notamment accéder au texte intégral des décisions.

Vous serez ainsi en mesure de repérer facilement les décisions utiles à votre dossier et faire une comparaison efficace avec votre situation.

Enfin, au bas de la page, vous trouverez la Jurisprudence fréquemment citée, c'est-à-dire les décisions qui ont été citées par les celles de la liste correspondant à vos critères. Vous y trouverez donc plusieurs décisions de principe en droit du travail et pourrez consulter rapidement ces décisions complémentaires.

L'outil Aide à la décision vous permet donc de simplifier vos recherches et de guider vos décisions en offrant un portrait des tendances jurisprudentielles pour des situations semblables à celles que vous aurez décrites, ainsi qu'un accès au texte intégral des décisions qui s'y rapportent.

Ce billet a été rédigé avec la collaboration de M Émilie Larivée.

* Des frais de 15 $ sont facturés pour chaque synthèse, qui comprend l'accès à tous les résumés et décisions associés.

Références

Teamsters Québec, local 1999 et Exceldor Coopérative, usine de St-Bruno-de-Montarville (T.A., 2020-12-21), 2020 QCTA 632, SOQUIJ AZ-51735147, 2021EXPT-350.

Pour plus d'information

Me Vanessa Batik

Me Vanessa Batik
Avocate

Me Vanessa Batik est membre du Barreau du Québec depuis 2013. Elle a obtenu son baccalauréat en droit à l'Université de Montréal en 2011. Durant ses études, elle a travaillé auprès d'un cabinet spécialisé en immigration d'affaires. Elle a ensuite œuvré à titre d'étudiante et de stagiaire au sein d'un grand cabinet québécois exerçant dans les domaines du droit des assurances, du litige civil et du droit du travail. Elle a par la suite exercé comme avocate en pratique privée en litige civil et en droit administratif. Elle s'est jointe à l'équipe de SOQUIJ en 2017 et occupe le poste d'Agente de formation. À ce titre, elle donne des formations sur la recherche juridique ainsi que les plumitifs et prépare des formations thématiques en droit. Elle est également l'auteure d'articles publiés dans le Blogue et le Portail SOQUIJ.