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Joyeuse Corvée en vue… 19 Septembre = Grand Ménage des Rives

10 septembre 2009

 Au Québec, on s’attaque habituellement au « Grand Ménage » lorsqu’arrive le printemps, sinon le 1er juillet, folklore oblige, lorsqu’on aménage dans un nouveau logement. Mais inscrivez désormais le 19 septembre à votre calendrier des joyeuses corvées, car ce sera alors, tenez-vous bien, la Journée internationale de dépollution des rives (International Coastal Cleanup Day). « De kessé », comme le dirait si bien Lao Tseu? Encore une autre journée thématique? Oui, et non!... C’est vrai que l’événement s’ajoute aux innombrables journées mondiales ou nationales du bégaiement, du pied ou du tricot, mais j’avoue personnellement que la dépollution de nos rives, de nos berges, de nos plages et littoraux me préoccupe un tantinet plus intensivement. D’autant plus que dans une contrée comme le Canada, bordée par trois océans, huit fleuves et deux millions de lacs (oui, vous avez bien lu) le nettoyage des rives c’est tout sauf banal. En fait, ça tient même plutôt de l’exploit, dans le pays qui peut se vanter de totaliser le plus grand nombre de lacs, de réservoirs, de rivières, d’étangs et de ruisseaux. Que voulez-vous, on compte 891 163 km2 de plans d'eau, ça en fait des rives à nettoyer…
                                                                       
Mais pourquoi donc dépolluer les rives? Et bien parce qu’elles en ont un urgent besoin et pas seulement a Siquijor aux Philippines, à Phuket en Thaïlande ou à Mombassa au Kenya, c’est aussi le cas à Candiac, Cowansville ou au Lac Leamy, entre autres… Car planétairement parlant, plus 6 millions de tonnes de rebus sont en effet jetées à l’eau chaque année. À eux seuls, les débris de plastique sacs et bouteilles en plastique no 1 (PET) représentent plus de 80 pour cent de tous les déchets, selon un récent rapport du Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE). Et cette pollution n’est pas que visuelle. Elle cause chaque année, entre autres, la mort d'un million d'oiseaux de mer et de 100 000 tortues et mammifères marins. De nombreux animaux suffoquent en effet, l'estomac rempli d'objets tels des bouchons de bouteille, des briquets, des condoms et bien sûr des sacs en plastique. Dans leur tout récent rapport publié pas plus tard qu’en juin 2009, le PNUE et l'Ocean Conservancy sont clairs.  Le problème mondial de la croissance des déchets porte atteinte aux océans et aux plages du monde entier. Bien des citoyens n’ont pas encore compris qu’ils doivent mettre leurs vieilles habitudes à la poubelle, tout comme d’ailleurs leurs déchets…

Et c’est pour ça qu’une joyeuse corvée nationale de nettoyage existe. L’initiative a timidement vu le jour en 1994, lorsque quelques employés de l’Aquarium de Vancouver ont décidé de faire le grand ménage d’une plage locale et d’emboîter ainsi le pas au mouvement international. Puis dès 1996, soutenue par la Fondation TD des amis de l’environnement, l’initiative s’est progressivement développée, d’une mer à l’autre, pour devenir « le Grand nettoyage des rivages canadiens de la TD » (https://www.vanaqua.org/cleanup/maison.php). Tant et si bien que l’an dernier 63 491 Canadiens se sont inscrits au nettoyage national et retiré plus de 135 000 kilogrammes de déchets, soit plus de 135 tonnes. Ce qui était au départ une simple initiative locale est ainsi devenu au fil des ans un des plus importants projets de nettoyage des rives de notre belle petite planète. L’an dernier par exemple, l’opération canadienne s’est en effet déroulée sur plus de 1500 sites couvrant une distance totale de plus de 2000 kilomètres. Mais soyons francs, la grande majorité de ces projets ont eu lieu en Colombie-Britannique, dans les Maritimes, et autour des Grands Lacs, mais bien peu au Québec… du moins jusqu’à maintenant.

 Pourtant, la situation qui prévaut ici n’échappe pas à la navrante « tendance » planétaire. Jetez un œil à ce qui jonche les rives de nos cours d’eau. Vous y trouverez de tout, sauf un ami. 28 % des Québécois interrogés lors du sondage commandé par « le grand nettoyage des rivages canadiens de la TD »  mentionnent que les déchets qui les exaspèrent le plus sont les sacs de plastique. Au deuxième rang québécois des « irritants » figurent les seringues usagées que l’on retrouve le long des rives avec 12 pour cent, suivis des mégots de cigarettes avec 7 pour cent. Ah les mégots… Le top du top… L’an dernier, on en a ramassé 322 780, ce qui en fait le déchet le plus souvent ramassé sur nos rivages. Méchant cendrier!

En passant… Je n’ai jamais trop compris pourquoi tant de randonneurs, pêcheurs, chasseurs, plaisanciers, et motoneigistes, lors de leur activité préférée, sèment aux quatre vents leurs mégots et autres immondices. Car entre vous et moi, ce sont de toute évidence des amoureux de la nature et du plein air, non? Or s’ils l’aiment tant cette belle nature, ils auraient dû comprendre depuis longtemps que pour la préserver, la recette consiste à ne pas laisser de trace de leur passage, ne serait-ce qu’en ramenant à la maison ce qu’ils avaient  apporté dans la nature. « (detail_chronique.php?ID=361734). Pourtant, le palmarès des polluantes semailles témoigne de tout, sauf d’une verte prise de conscience. En nettoyant ces dernières années rives et rivages, on y a trouvé dans le désordre (c’est le cas de le dire) des contenants de styromousse, une quille, des papiers d’emballage, des canettes, un pousse-pousse, une machine distributrice de billets de stationnement, des casquettes parties au vent, des préservatifs, de vieilles chaises,  un lecteur MP3, des restants de casse-croute, un parasol, un ski de randonnée, des bottes, un frigo démantibulé, des bouteilles de verre… « Amen ! ou plutôt Apporte, la poubelle ! On y a même déjà trouvé de délicats objets comme cette vieille moto (photo ci-contre) dans la région de Toronto.

Mais qui sont les responsables, ou plutôt les irresponsables de cette dégradation, qui flirtent sournoisement avec le vandalisme?  Eh bien à peu près tout le monde… 6% des Québécois interrogés par la firme Harris-Decima, reconnaissent qu’ils jettent des déchets sur le sol au moins une fois par mois, et 4 % disent le faire tous les jours, oui tous les jours. 4 % des Québécois? C’est une minorité me direz-vous? C’est vrai. Mais je vous rappelle que, 4 % des Québécois, même si c’est une minorité, c’est quand même 280,000 personnes, soit l’assistance de 14 Centres Bell bondés, qui jetteraient chaque jour des déchets au sol ? C’est donc dire que plus d’un quart de million de personnes semble ne pas saisir que leur petit geste, apparemment isolé et sans impact, est tout, sauf isolé et sans impact. Et ça doit être majoritairement des hommes me demanderez-vous? Moi en tout cas c’est ce que j’aurais cru… Eh bien non! La bêtise humaine n’aurait pas de sexe… Autant d’hommes que de femmes jouent en effet à ce petit jeu, qui en fin de compte n’est vraiment pas drôle… environ 25% de la population à un moment ou l’autre admet semer au vent, bouteilles et emballages, et autant d’hommes que de femmes participent à cette indiscipline du lancer du déchet…

Alors, ils sont jeunes ou pas ces pollueurs? J’aimerais bien qu’il en soit autrement, mais sauf exceptions, révèle le même satané sondage mené pour le Grand nettoyage des rivages canadiens de la TD, les jeunes adultes de 18 à 24 ans seraient les plus délinquants. 17 pour cent d’entre eux ont en effet avoué disperser des ordures au moins une fois par semaine, ce qui est deux fois plus que le groupe des 25 à 34 ans et que celui des 35 à 44ans. Les Canadiens de plus de 65 ans seraient les plus respectueux de l’environnement et des espaces verts, puisque 86 pour cent d’entre eux affirment ne jamais au grand jamais jeter de déchet par terre. Vous savez quoi? Je les crois, presque tous… Mais que j’aimerais donc être un petit oiseau, mettons une petite nyctale, pour voir ça de mes yeux.

D'ailleurs, vous faites quoi, vous, lorsque vous observez un inconnu jeter ses déchets par terre? Une personne sur quatre (25 %) affirme ramasser les déchets laissés par d’autres... Et vous? Vous lui jetez en échange un regard réprobateur, ou vous vous transformez en courant d’air? Sachez qu’un Québécois sur 6, soit 16 %, affirme qu’il intervient lorsqu’il est témoin d’une telle inconduite. Et la proportion double, lorsque le vandale leur semble inoffensif. En passant, ce détail qui n’en est pas un, me semble stratégiquement important si on ne veut pas trop écourter notre vie de militant écologiste. J’ai en effet souvenir d’être intervenu impulsivement auprès d’un automobiliste que je suivais en moto, après que ce dernier ait nonchalamment jeté son mégot par la fenêtre de son véhicule. Comme nous étions à un feu rouge, j’étais débarqué de ma petite Suzuki 100, j’avais ramassé le mégot par terre, et je l’avais relancé à l’intérieur de son véhicule, en lui disant avec un petit air baveux « Tiens, je pense que c’est à vous et que vous l’avez échappé ». Ouf! En y pensant, après coup, c’est plutôt moi qui l’avais échappé belle, parce j’étais tombé sur un fumeur inoffensif, qui loin de chercher la bagarre, était plutôt resté bouche bé, et même c… comme cigarette.

Mais pareille confrontation n’arrivera pas lors du Grand Nettoyage, car il y a bien peu de chances que les pollueurs fautifs y soient… Sinon? Tant mieux, à bien y penser, car ils pourraient alors réparer leurs torts. D’autant plus qu’au Parc Léon Gravel à Brossard, à la Rivière de la Tortue à Candiac où aux Jardins de Mitis, comme d’ailleurs partout au Québec, l’opération de nettoyage va se dérouler dans le plaisir, ce qui est non seulement important mais drôlement primordial. Lorsque j’étais administrateur de l’APEL (l’Association pour la protection de l'environnement du Lac-Saint-Charles et des Marais du Nord) au nord de Québec, je me rappelle des corvées de nettoyage auxquelles j’ai participé et qui n’avait de corvée que le nom… Quel contentement en effet de profiter d’une belle journée de plein air pour embellir un lieu que l’on aime, les sentiers menant aux plans d'eau qui m’avaient donné si souvent de magnifiques observations d’oiseaux. Je me rappelle même avoir pris un bain forcé plutôt frisquet, lors de cette corvée, en voulant retirer du courant, un vieux pneu coincé dans des souches, et qui s’entêtait à y demeurer. Ça doit être ça ne pas avoir peur de se mouiller pour la cause. Mais c’en valait la peine et surtout la satisfaction du travail bien fait. D’autant plus que la simple action de faire du ménage, de débarrasser, de dégager, de désencombrer, c’est libérateur, si vous saviez. 

 Toujours est-il que dès le 19 septembre, et en fait jusqu’au 27 septembre, une centaine de projets de nettoyage des rives se dérouleront au Québec, mobilisant plus de 5000 citoyens, dûment inscrits. Des groupes de citoyens, des scouts, des militaires, des pompiers, des écoliers, des militants écologistes, des employés du gouvernement, et des employés de la TD vont mettre la main à la rive, à L’anse Gingras à Lévis, à l’île Nue de Mingan, le long du sentier linéaire de la rivière Cap-Rouge ou dans les îles de la Rivière des Mille Îles à Laval. Plusieurs initiatives sont ouvertes au public, alors,  jetez un œil à la liste complète des sites (https://www.vanaqua.org/cleanup/accueil.php?initialSearch=QC) et surtout n’oubliez pas bien sûr, de le ramasser par la suite.

 

Pour plus d'information

François Thibouthot
Adresse: Journaliste chroniqueur
Québec
Canada
François Thibouthot
Journaliste chroniqueur

François Thiboutôt est journaliste et chroniqueur. Fort de 25 ans d'expérience à l'antenne de Radio-Canada, TQS, Télé-Québec et TVA, il consacre désormais son travail de communicateur engagé, à vulgariser les grands enjeux de la consommation responsable et du développement durable. François Thiboutôt agit aussi comme consultant auprès d'entreprises et d'institutions désireuses de prendre un véritable virage vert. Il est membre de l'AProDD (Association des Professionnels en Développement Durable) Au sein de l'Agence de conférenciers en environnement et développement durable « Terre à Terre » il présente aux quatre coins du Québec, sa conférence portant sur l'empreinte écologique intitulée « L'Urgence d'une Consommation Responsable ».