Par définition, le suivisme est le fait de suivre une ligne politique, un programme, sans examens. Les électeurs ont cru à un fond de sacoche qui n’existait pas et reporté au pouvoir un gouvernement qui se gargarisait d’un prochain budget équilibré. Maintenant que la réalité économique a rattrapé la ministre des Finances, Monique Jérôme-Forget, celle-ci se drape de la même arrogance en affirmant qu’elle ne voulait pas « affoler les gens ». La crise actuelle est sans précédent dans l’Histoire. Elle sera profonde et de longue durée et nécessitera une solidarité de tous les intervenants sociaux économiques; ce qui exige au départ d’avoir l’heure juste de la part du gouvernement. Le miroir aux alouettes de la ministre en aura trompé plusieurs et provoquera de la grogne. Les déceptions seront cruelles au prochain budget, en particulier pour les municipalités.
De bonne foi, l’Union des municipalités du Québec et la Fédération québécoise des municipalités se sont prêtées aux consultations prébudgétaires de la ministre. En confectionnant leurs mémoires, elles ne s’attendaient pas à ce que le Québec plonge aussi dans des déficits. La fameuse marge de manœuvre du gouvernement n’a jamais existé tout comme d’ailleurs un supposé parapluie de PME qui protégerait le Québec d’une tempête mondiale. Le prochain exercice budgétaire empruntera le même chemin que les autres gouvernements : déficit et augmentation de la dette. Le problème c’est que la crise ne se résorbera pas par magie à court ou moyen terme et que le Québec va rapidement épuiser ses munitions.
La pièce maîtresse pour amortir le choc économique demeure les promesses de milliards dans les infrastructures. Les municipalités ne peuvent qu’applaudir alors qu’il y a un retard à combler dans les infrastructures évaluées à plus de 18 milliards de dollars. Toutefois, malgré les sommes annoncées tant par le fédéral que le provincial, les municipalités devront investir une part minimale importante dans la mise à niveau de leurs infrastructures. La principale source de revenus des municipalités demeure la taxe foncière. Des revenus tout à fait inélastiques compte tenu de la baisse du secteur immobilier, commercial et industriel. À l’opposé, sur le plan des dépenses, les municipalités doivent assumer davantage de responsabilités sociales lors d’une crise économique.
Depuis des années, les municipalités réclament une diversification de ses sources de revenus afin de faire face à des obligations en hausse constante. Ainsi, les services aux personnes accaparent plus de 40 % des budgets municipaux. Une diversification des revenus demeure donc une condition incontournable pour leur participation dans un plan de relance économique. Je ne prendrai en exemple que le cas des centres de tri pour illustrer la situation.
Le S.O.S des centres de tri
Un effet inattendu de la crise c’est celui concernant la gestion des matières résiduelles. Les centres de tri sont au bord de la faillite alors que les matières triées se heurtent à une baisse des exportations, en particulier vers l’Asie. Selon les chiffres de l’UMQ, les municipalités ont dépensé 690 millions de dollars en 2008 pour la gestion des matières résiduelles et les coûts augmentent avec les années. Ils représentent actuellement 5,5 % du budget annuel des municipalités et passeront à 9 % dans un avenir rapproché.
Les coûts de la collecte collective sont assumés en partie par les entreprises génératrices de matières résiduelles. Mais lorsqu’on additionne les frais inhérents au transport, à l’enfouissement de tout ce qui ne peut-être recyclé et à la valorisation des matières organiques, 90 % des dépenses sont assumées par les municipalités. Autrement dit, alors que tous les citoyens bénéficient d’une collecte collective, les dépenses sont financées presque totalement par l’impôt foncier. La poubelle est pleine pour les municipalités qui ne peuvent soutenir en plus les centres de tri en détresse.
Une crise économique permet aussi de saisir des opportunités, de repenser notre façon de produire et de consommer. Recourir à des déficits pour soutenir des programmes qui s’avèrent désuets ne mène à rien. Il faut plutôt se tourner vers une politique de gestion durable des matières résiduelles. En premier lieu, il faut diminuer la quantité des matières produites, ce qui suppose d’appliquer le principe de pollueur-payeur pour les producteurs. Il faut que les matières produites soient réutilisables ou, à tout le moins, recyclables. Une taxe spéciale devrait être imposée pour les produits qui n’entrent pas dans ces deux catégories et être reversée aux municipalités. Producteurs et consommateurs auront alors à faire des choix responsables.
Plusieurs suggestions ont été mises de l’avant tant par l’UMQ que la FQM. Un
régime d’assurance et de protection du revenu, un peu à l’image de ce qui se fait en agriculture, pour contrer la fluctuation des prix des matières récupérées. Une bonification de l’enveloppe de six millions de dollars pour la modernisation des centres. Imposer aux médias écrits de verser une compensation pour la collecte de leurs produits qui comptent pour 80 % du papier recyclé au Québec. Étendre la consigne à tous les contenants de verre, y compris les bouteilles de vin.
Ce sont là des suggestions on ne peut plus raisonnables. J’ajouterais toutefois un volet pour les consommateurs. Trop de matières sont rejetées par les centres. On y trouve aussi bien une vieille raquette de tennis que des appareils électroménagers. Ces matières représentent 10 % de la collecte et imposent des coûts supplémentaires puisqu’il faut les transporter vers des sites d’enfouissement. Toute diminution à la source augmenterait la productivité des centres de tri et leur profitabilité. Les consommateurs ont été sensibilisés au recyclage. Mais il manque un volet informatif. Il faut une campagne nationale pour aider les centres de tri par une meilleure sélection des matières au domicile. Et pour commencer, encourager les consommateurs à ne plus utiliser des sacs en plastique pour l’épicerie. Il faudrait aussi favoriser de la recherche pour recycler des produits qui sont rejetés parce qu’il est difficile de trouver des débouchés sur les marchés.
En conclusion, et pour revenir sur la question du budget, je crois que le gouvernement va encore une fois passer son tour pour diversifier les revenus des municipalités. On assistera à un plaidoyer tout à fait à l’opposé des promesses électorales. Au nom de l’urgence, plusieurs programmes vont dormir sur les tablettes. Il y aura bien un saupoudrage, mais encore là les municipalités devront faire preuve de vigilance et de perspicacité. Pourquoi ne prendraient-elles pas les devants pour calculer la part engloutie dans l’administration des multiples programmes d’aide aux entreprises? Je suis persuadé qu’à peine 50 % des millions de dollars arrivent à bon port. La moitié est engloutie dans la gestion. Ce portrait pourrait être effectué par régions. On verrait alors qu’il ne suffit pas de coiffer le ministère des Affaires municipales et des Régions d’un autre titre pour s’occuper réellement de l’occupation du territoire. Une crise comme celle qu’on va traverser est une bonne occasion pour questionner la centralisation des pouvoirs et de l’administration publique. L’espace financier sera restreint certes. Mais pas notre imagination et notre volonté d’agir. C’est ce qui nous démarquera du suivisme.