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Les moments de vérité

25 janvier 2009

Rarement aura-t-on vu pareils revirements suite à des élections, que ce soit au Québec ou au fédéral. Et là je ne parle pas de simples promesses politiciennes, mais de portraits économiques maquillés à des fins purement électoralistes. D’équilibres budgétaires on a passé en quelques semaines à des déficits qui s’annoncent gargantuesques. Il n’y a jamais eu de marge de manœuvre au Québec alors qu’on a préféré taire un nouveau calcul de la péréquation qui signifiera un manque à gagner d’un milliard de dollars. À Ottawa, le prochain budget plongera dans le rouge dans des profondeurs rarement vues depuis des décennies. Le Québec devra ajuster le sien en fonction des priorités du gouvernement Harper et les municipalités ne comptent pas parmi celles-ci.

Tout se passe maintenant comme s’il n’y a pas de lendemains. On a ressorti la rhétorique keynésienne qui suggère des baisses d’impôts ainsi qu’un accroissement de la dette de façon à relancer la consommation lors d’une récession. Le problème c’est que la crise actuelle constitue plutôt un changement de paradigme et que les recettes du passé ne sont plus garantes de succès. S’il y a une chose sur laquelle s’entendent bon nombre d’économistes, c’est que la crise actuelle et les plans de sauvetages se meuvent dans des territoires inconnus sur le plan économique. Un simple paradoxe pour illustrer le propos : la crise actuelle émerge d’une consommation excessive liée à un endettement sans précédent. Tous les plans de sauvetage visent actuellement à poursuivre l’endettement et relancer la consommation. Un cercle vicieux qui peut provoquer une inflation en même temps que prolonger la récession : une stagflation sinon une dépression.

Bien sûr, les municipalités applaudissent chaque fois qu’un milliard s’ajoute aux programmes d’infrastructure alors qu’il y a un immense retard à combler. Mais qu’arrivera-t-il lorsque les politiciens enlèveront leurs lunettes roses et réaliseront que la crise ne se résorbera pas de sitôt et que l’hypothèque budgétaire pèse trop lourdement? Déjà, des milliards ont été distribués aux institutions financières qui pourtant portent la responsabilité de cette crise. L’industrie automobile ontarienne, une simple filiale américaine, a aussi été secourue avec l’argent des contribuables. Les gouvernements devront d’une main sauver des secteurs économiques et de l’autre restreindre les programmes d’aides. C’est à qui criera le plus fort. Les lobbies sont déjà sur un pied de guerre. Par exemple, avec la chute du prix du pétrole, l’exploitation des sables bitumineux de l’Ouest n’est plus rentable. Nul doute que les pétrolières voudront leurs parts.

Le Québec est sorti affaibli à la suite des dernières négociations avec le gouvernement Harper. Les municipalités devront plus que jamais faire front commun pour s’assurer non seulement de la prolongation du programme d’infrastructures, mais aussi d’une répartition équitable entre les centres urbains et les régions. Si ces milliards vont dans le béton et l’asphalte, ce ne seront pas toutes les municipalités qui pourront en bénéficier. Les bureaux d’architectes sont concentrés dans les grands centres urbains ainsi que les sociétés de pavage ou de construction.

Le marché immobilier a commencé sa descente et les revenus des municipalités, basés presque entièrement sur une taxe foncière, connaîtront une baisse importante. Dans le cas de faillites immobilières, ce sont les institutions prêteuses qui passent en premier pour reprendre une partie de leurs mises. D’autre part, certaines entreprises fermeront leurs portes ou exigeront, comme à Windsor, une baisse de l’évaluation foncière pour cause de désuétude économique. Encore là, les municipalités n’ont guère de marges de manœuvre. Bien sûr, la ministre a promis de clarifier la loi, mais dans le contexte actuel, alors que le commerce international est moribond, des entreprises peuvent tout simplement mettre le cadenas sur la porte. Les municipalités devront être très proactives avec leurs entrepreneurs. Le recours aux tribunaux ne peut qu’envenimer les choses. Elles devront aussi être très vigilantes lorsque les gouvernements interviendront pour aider certains secteurs économiques. La priorité devrait être donnée aux municipalités mono-industrielles. La crise dans le secteur forestier ces dernières années a permis de mesurer l’impact pour une région de la disparition de la seule entreprise existante. Lorsque tous les secteurs de l’économie sont en récession, la tourmente est soudaine et dévastatrice.

La ministre des Finances, Monique Jérôme-Forget, tiendra ses consultations prébudgétaires après le dépôt du budget fédéral. Jusqu’à maintenant, on ne peut dire qu’elle a fait preuve de beaucoup de transparence. Bien assisse dans ce gouvernement majoritaire, il serait surprenant qu’elle change d’attitude surtout que le budget fédéral viendra contredire ses énoncés économiques pré et postélectoraux. La crise actuelle possède sa propre dynamique et n’a que faire de la démagogie des politiciens. Les municipalités doivent aussi s’assurer de participer à ces consultations budgétaires si elles ne veulent pas se réveiller en état de choc au lendemain du budget, ce petit moments de vérité.

Pour plus d'information

André Lavoie
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André Lavoie