La première neige est tombée sur Montréal cette semaine, augmentant instantanément les risques de chute sur les trottoirs. On s'attend à ce que la municipalité enlève la neige et épande des abrasifs, en conformité avec son obligation d'entretien. Les piétons ont aussi au moins une obligation: celle de porter des chaussures appropriées en fonction des conditions climatiques. C'est ce que nous rappelle un jugement récent de la Cour supérieure.
Dans l'affaire Clément c. Montréal (Ville de),le demandeur s'est fracturé la cheville droite lors d'une chute sur un trottoir recouvert de neige. Il se dirigeait vers son travail, soit au New City Gas, lorsqu'il a glissé sur une plaque de glace et que son pied droit s'est coincé dans un trou. Estimant que la Ville de Montréal était responsable de cet accident, il a réclamé 88 322 $ en dommages-intérêts et en dommages non pécuniaires.
La responsabilité de la Ville est régie par le régime général de la responsabilité civile extracontractuelle (art. 1457 du Code civil du Québec) et, de façon plus particulière, par l'article 585 paragraphe 7 de la Loi sur les cités et villes. À la lumière de la jurisprudence, la juge Jacob a appliqué les principes suivants pour décider du sort du litige: il n'existe pas de présomption de faute à l'encontre de la Ville; le demandeur doit alléguer et prouver une faute de négligence; la Ville n'est pas l'assureur des piétons; elle est assujettie à une obligation de moyens; elle doit prendre des précautions raisonnables pour protéger la sécurité des usagers des trottoirs; elle dispose d'une grande discrétion pour l'établissement de sa politique de déneigement et d'entretien des rues et des trottoirs l'hiver, ce qui, toutefois, n'exclut pas sa responsabilité si elle fait preuve de négligence; et sa responsabilité doit être déterminée en tenant compte des circonstances de l'accident, notamment des conditions climatiques.
En l'espèce, la juge a conclu que la Ville n'avait pas pris des précautions raisonnables pour protéger la sécurité des usagers du trottoir situé à proximité d'un établissement très fréquenté les samedis soirs depuis le printemps 2012, en l'occurrence le lieu de travail du demandeur. De plus, la dénivellation et les crevasses constatées sur l'asphalte érodé du trottoir étaient propices à la formation de glace. Or, dans la semaine du lundi 25 février au samedi 2 mars 2013, les températures ont oscillé entre 3,3 et -4,6 degrés Celsius. Avec une accumulation de neige de plus de 2,5 centimètres, l'endroit devenait aisément un piège. D'ailleurs, la Ville a manqué à son obligation élémentaire de protection à l'égard des piétons en omettant de faire procéder à une réparation, fût-elle temporaire, de cette section du trottoir.
En raison des dommages subis (incapacité partielle permanente, douleurs et perte de jouissance de la vie), le demandeur aurait eu droit à une indemnité de 54 000 $. Cependant, la juge a réduit ce montant de moitié en raison du principe du partage de responsabilité. En effet, le demandeur était en partie responsable de l'accident, car il portait à ce moment-là des souliers, ce qui constitue un choix téméraire dans les circonstances.
Morale de l'histoire : en hiver, vaut mieux porter des bottes!