Février, c’est le mois des REER ! Oh… Je sais comme vous qu’on peut y contribuer toute l’année, grâce aux prélèvements mensuels préautorisés. Mais à voir l’armada de pubs qui nous assiègent ces dernières semaines, nul doute que février est encore, ne serait-ce que pour les retardataires, le grand sprint des Régimes enregistrés d’Épargne Retraite. Tout compte fait, pis? Avez-vous réussi cette année à mettre un petit 1000 $ de coté? Mieux, 3000 $? Bravo! Ce sera déjà ça de gagné pour vos « vieux » jours! Mais savez-vous vraiment où est investi votre argent? Je veux dire par là, dans quel secteur, et pour soutenir financièrement quel type de compagnies? OK, vous vous en foutez… Pourvu que cela rapporte…Tout ce que vous magasinez, c’est le taux d’intérêt, le moins chétif? C’est légal… C’est d’ailleurs encore ce que font la majeure partie des investisseurs.
Oh j’avoue, j’ai déjà été du nombre, car je ne suis pas un ange, malgré les apparences… Moi non plus, il y a une douzaine d’années, je n’avais pas vraiment envie de lire le rapport annuel de ma banque ou de ma caisse. La vie étant bien courte, c’était pour moi un assommant livre de chevet. Or mon je-m’en-foutisme n’était pas sans conséquence. En ne me mêlant pas de mes « affaires », cela voulait dire que mes économies pouvaient être injectées dans une industrie de fertilisants chimiques polluants, une pharmaceutique testant ses produits sur des animaux, ou un fabricant qui s’en mettait plein les poches en faisant trimer dur des enfants. L’insupportable vérité, une fois révélée, m’a été très douloureuse à encaisser. Une fois la rage passée, je me suis alors rendu compte que je faisais partie de cette « nouvelle » génération d’investisseurs qui veut oui, que son argent rapporte, parce qu’un investissement c’est un investissement et que ça se doit de rapporter, mais vraiment pas, vraiment plus, de n’importe quelle façon.
Vous aurez compris que j’ai envie ici de vous parler d’ISR… Non! Pas d’un Immense Sandwich au Rosbif, non pas d’un Incroyable Sacripant Russe, mais plutôt d’Investissement Socialement Responsable (ISR). Plutôt que de s’insurger contre les pouvoirs quasi occultes des milieux financiers, pourquoi en effet en toute connaissance de cause, ne pas apprendre à utiliser nos économies pour les faire fructifier, mais « sine qua non », c'est-à-dire à la seule et unique condition qu’elles servent à soutenir des initiatives aux valeurs environnementales, sociales, communautaires et solidaires qui sont les nôtres. Si acheter c’est voter, nous en a convaincu Laure Waridel, j’ajouterais ici bien humblement qu’investir c’est aussi choisir à qui nous donnons notre appui. Si comme moi, vous êtes de ceux et celles qui tentez déjà de réduire votre empreinte écologique en recyclant et compostant ; si vous achetez déjà bio, local et/ou équitable ; si vous mangez moins de viande rouge ou si vous êtes adepte du transport en commun, ces investissements socialement responsables sont une suite logique dans votre démarche de consommateur et de citoyen responsable. C’est une autre façon de passer de la parole aux actes, et de faire partie de la solution plutôt que du problème.
On s’entend… Si l’expression Investissements Socialement Responsables (on dit aussi éthiques) remonte à une vingtaine d’années, le principe lui, n’est pas nouveau… Vous savez ce qu’est un Quaker ? Non pas un gruau, plutôt un membre de ce mouvement religieux protestant fondé sur une vie simple et pacifique. Eh bien les quakers, au 18e, refusaient déjà d’investir et donc de soutenir une compagnie qui tirait profits de la guerre ou de l’esclavage. Dans mon livret de banque à moi, ça s’appelle avoir des principes, et surtout les défendre d’autant plus efficacement qu’on le fait pacifiquement. Dans les années 20 aussi, de nombreuses communautés religieuses ont pratiqué ce même boycottage financier. Elles n’investissaient pas et n’appuyaient donc pas, toute activité économique reliée soit au trafic d’armes, à la pornographie, au tabac ou à l’alcool. Pacifisme oblige, les années 60 aussi furent aussi des années ISR puisqu’on conviait au boycottage, des compagnies qui participaient à la guerre au Vietnam, ou à l’apartheid en Afrique du Sud qui prônait alors une ségrégation systématique du peuple noir. Plus récemment, de nombreuses manifestations étudiantes ont incité les grandes Caisses de retraite à retirer leur soutien financier aux entreprises non respectueuses de l’environnement ou des travailleurs. Bien des fonds boycottent également les entreprises produisant ou distribuant des OGM ou utilisant l’énergie nucléaire. Pour cette raison on dit de ces investissements qu’ils sont socialement responsables. Mais il n’y a pas que le boycottage.
Peut-être faites-vous déjà certains investissements « communautaires »? Si vous êtes membre de la Caisse d’Économie solidaire Desjardins (www.caissesolidaire.coop), vos économies servent déjà à financer exclusivement des projets, produits, coopératives et organismes à but non lucratif (OBNL), qui offrent une valeur ajoutée au plan social, culturel ou environnemental. Vos épargnes permettent alors d’appuyer autant financièrement EQUITA et ses produits équitables, que par exemple la Maison de jeunes l’Ouvre-Boîte du quartier à Québec. Le fait que Laure Waridel endosse ce véhicule de placement à rendement social, ajoute d’ailleurs selon moi un intérêt supplémentaire à cette finance solidaire, car moi aussi j’y retrouve mes valeurs.
Vous possédez aussi des Investissements socialement responsables, si vous prenez des REER au Fondaction de la CSN pour la Coopération et l’emploi (https://www.fondaction.com) ou comme c’est mon cas personnellement, au populaire Fonds de Solidarité de la FTQ (https://www.fondsftq.com). Non seulement vous y obtenez des avantages fiscaux supérieurs aux autres REER, avec 40 % de plus d’économies d’impôt (à la CSN) et 30 % de plus à la FTQ, ce qui est tout un incitatif, mais en plus, vos placements ont un réel impact ici. C’est d’autant plus facile à comprendre comme choix d’investissement, lorsqu’on a déjà fait le choix d’acheter local. Ma blonde Renée, pour la première fois de sa vie, a investi cette année quelques milliers de dollars dans le Fonds de Solidarité FTQ. Or lorsqu’elle s’est à juste titre demandé quelles entreprises, au juste, le Fonds de Solidarité de la FTQ supportait, nous avons souri. Car la réponse a été notamment Air Transat, la compagnie aérienne sur les ailes de qui nous avons été en France et bientôt en Jamaïque ; « CanExel® » qui a réalisé le revêtement de notre petite maison champêtre ; Premier Tech, créateur de notre système d’épuration des eaux usées à base de tourbe, un leader de mon coin de pays, Rivière-du-Loup. Oui, toutes ces entreprises sont supportées par le Fonds de Solidarité… J’aime bien. Et ce qui est encore mieux, c’est que le Fonds de Solidarité FTQ vient de s’enligner sur le Global Reporting Initiative soutenu par l’ONU (https://www.globalreporting.org/Home). Cela veut dire que non seulement le Fonds continuera de miser sur l’économie et la création d’emploi, très majoritairement dans des entreprises québécoises, mais appliquera de plus en plus un critère de sélection sévère, basé sur les performances environnementales des entreprises choisies.
Sinon, un autre type d’ISR mérite d’être plus connu. On peut en effet investir de façon socialement responsable sur le marché boursier. Ok mais, on investit dans quel genre d’entreprises au juste, quand on choisit ce type de véhicule? Dans un jardin communautaire? Un restaurant bio? Un fabricant d’éoliennes? Réglons ça tout de suite. Ne soyez pas trop idéalistes comme je l’étais au tout début… Un placement, par définition, ça se doit de « rapporter » de l’argent, sinon ce ne serait pas un investissement. Or pour ce faire, apprêtez-vous à faire quelques « concessions » idéologiques. Si vous choisissez d’investir dans un fonds Acuity, Ethical Funds, Meritas ou Jantzi, vous pourriez y voir avec surprises des banques, des grandes chaînes ou des pétrolières, eh oui… Dans ce type de placements, on ne boycottera pas les « méchants », mais on appuiera plutôt, ceux qui ont changé positivement leurs pratiques, en guise d’incitation. Ainsi, une entreprise financièrement performante, qui aura choisi de diminuer ses GES, de miser sur les énergies alternatives, ou de protéger la biodiversité, pourrait être choisis et soutenus par ce type de fonds. Il en sera de même, si l’entreprise voit à la santé et à la sécurité de ses travailleurs et leur permet à de se syndiquer. Certains fonds iront même jusqu'à acheter des parts pour devenir actionnaires d’une entreprise et l’influencer de l’intérieur grâce à leur vote. Pourquoi croyez-vous que Cadbury a enfin décidé de lorgner du côté du chocolat équitable? Question marketing sans doute, mais aussi et surtout parce que des actionnaires l’ont exigé. (detail_chronique.php?ID=361686)
Oh le principe n’est pas neuf… Ce qui est relativement nouveau cependant, c’est l’engouement populaire généré au pays par ces investissements « éthiques ». Lorsque j’avais abordé le sujet la première fois en 2006, lors d’une de mes chroniques matinales à Salut Bonjour Week-End sur TVA, on estimait déjà que 65 milliards et demi de dollars y étaient alors investis, juste au Canada s.v.p. Or, il y en a désormais dix fois plus, soit plus de 609 milliard de dollars, selon l’Association Investissement Responsable (AIR) (https://www.socialinvestment.ca/francais/documents/caRevue2008.pdf). Non, on ne peut plus considérer le ISR comme étant marginaux. Au fait, libre a vous d’y aller pépère, avec par exemple, Épargne Placements Québec, au moins c’est plus sur que de cacher vos économies sous le matelas… Comme le dit leur pub, votre REER est garanti à 100 %. Ouais, et c’est aussi garanti que vous ne ferez pas grand profit, avec des intérêts dignes d’un lilliputien, c'est-à-dire au compte-goutte. Mais c’est légal et si ça correspond à votre profil frileux… je respecte d’autant plus votre choix que cela à déjà été le mien.
Oui, mais au juste, quel est l’intérêt? Dans le sens de « rendement »? D’accord! Je l’admets… C’était intentionnel de ma part, d’aborder bien avant les chiffres souvent assommants, tous les types d’avantages et de bénéfices des ISR, mais ça va… Si c’est un simple taux d’intérêt que vous voulez… Sachez d’abord que le mythe qui veut que les ISR rapportent moins que les autres types de placements ne tient plus la route. Les fonds éthiques sont en effet aussi performants sinon plus que les fonds traditionnels… Quelques exemples ? OK! Le Fonds Desjardins Environnement (https://www.fondsdesjardins.com/fr/gamme_fonds/liste_fonds/34_environnement.jsp) a donné du 10,5% sur 5 ans (source Morningstar, décembre 2009) ce qui lui a même valu le Prix Canadian Lipper Funds Awards pour les meilleures performances, sur 5 ans, en 2008 et en 2009. Le Fonds Spécialisé d'actions Éthique (connu aussi comme le Fonds d’actions spéciales Ethical Funds) (https://www.ethicalfunds.com/fr/Investor/Investments/FundsAndSolutions/EthicalFunds/Pages/default.aspx) a vu sa performance exceptionnelle récompensée, par la firme Imagine Canada Socially Responsible Investment Fund Award. Et pour cause, car il a généré du 12,9 % sur 10 ans. OK OK je sais, les fonds communs de placement ne sont pas garantis et leurs rendements passés ne sont pas garants des rendements futurs, mais, avouez, que ça porte a réfléchir. Pas étonnant que selon un sondage réalisé par la firme SOM en 2008, pour le Mouvement des caisses Desjardins, sept Québécois sur dix se disent intéressés par le concept de l'investissement socialement responsable (ISR). Mieux encore, près de 60 % des répondants songeaient à y investir une partie de leurs épargnes.
Si cela vous intéresse et ne savez pas par quel bout commencer votre démarche ISR, je vous recommande de lire l’excellent dossier préparé par mes collègues d’Éthiquette, le carrefour du consommateur responsable, (https://www.ethiquette.ca/index.php?option=com_content&task=view&id=1282&Itemid=69&lang=fr). Vous investiriez ne serait-ce que 5 ou 10%, de votre porte-feuille d’épargne en Investissements Socialement Responsables, que je vous dirais, vous allez vous en rendre compte, c’est dans notre véritable intérêt à tous…