Il y avait longtemps que le droit corporatif québécois n’avait pas subi de réforme d’une telle ampleur. Effectivement, la Loi sur les compagnies, qui deviendra la Loi sur les sociétés par actions, n’avait pas été modifiée de façon significative depuis 1981 et elle était tombée en désuétude comparativement à son pendant fédéral, la Loi canadienne sur les sociétés par actions.
C’est le projet de loi 63, présentée à l’Assemblée nationale du Québec le 7 octobre 2009, qui concrétise les efforts d’harmonisation et de modernisation souhaités par le législateur québécois. Avec plus de 500 articles, le projet de loi opère une transformation majeure du cadre législatif applicable aux quelques 300 000 entreprises québécoises actuellement visées par la Loi sur les compagnies. Il modifie plus précisément l’encadrement législatif des compagnies Partie I et Partie IA. Les organismes sans but lucratif (OSBL), régis par la partie III de la Loi sur les compagnies, seront éventuellement l’objet d’une réforme législative distincte. Cette dernière loi continuera donc de s’appliquer aux OSBL lors de l’entrée en vigueur de la Loi sur les sociétés par actions (dont la date n’est pas encore déterminée), et ce jusqu’à ce qu’une nouvelle loi leur soit applicable.
Avant de comprendre la portée de cette réforme sur les différentes lois municipales, il est utile de préciser quelques uns des changements importants apportés au droit corporatif québécois. D’abord, notons la protection accrue des actionnaires et, plus particulièrement, celle des actionnaires minoritaires. De nouveaux recours sont en effet prévus au projet de loi, par exemple les recours en cas d’abus de pouvoir ou d’iniquité et la possibilité pour un actionnaire d’exiger que la société rachète ses actions à leur juste valeur s’il est en désaccord avec certaines décisions importantes prises par cette dernière.
Les allégements proposés aux procédures administratives sont également notoires. Notamment, il serait possible pour un actionnaire unique d’être dispensé de certaines formalités telles la tenue d’assemblées et la désignation d’un vérificateur. La dissolution de la société sera aussi facilitée par l’entrée en vigueur de la Loi sur les sociétés par actions, qui incorporera par ailleurs la procédure de liquidation actuellement régie par la Loi sur la liquidation des compagnies.
Les efforts de modernisation, quant à eux, comprennent entre autres la possibilité de constituer une société en ligne auprès du registraire des entreprises et de lui transmettre d’autres documents par voie électronique sécurisée. Ils visent aussi l’élimination des exigences relatives à la résidence des administrateurs et celles applicables aux prêts, garanties et autres formes d’aide financière accordés aux actionnaires.
L’objectif d’harmonisation poursuivi par le législateur propose aussi un changement sémantique majeur : le terme « compagnie » sera entièrement évacué du vocable corporatif! À l’entrée en vigueur de la Loi sur les sociétés par actions, il faudra dès lors référer à la « société par actions », le législateur québécois reprenant ainsi la terminologie employée dans la Loi canadienne sur les sociétés par actions.
Et, dans la foulée des modifications législatives initiées par ce changement sémantique, la législation municipale n’est pas en reste. Plus précisément, les lois suivantes seront modifiées dès l’entrée en vigueur de la Loi sur les sociétés par actions pour en tenir compte:
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Loi sur les sociétés d’économie mixte dans le secteur municipal (L.R.Q., chapitre S-25.01);
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Loi sur l’interdiction de subventions municipales (L.R.Q., chapitre I-15);
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Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités (L.R.Q., chapitre E-2.2);
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Code municipal du Québec (L.R.Q., chapitre C-27.1);
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Loi sur les cités et villes (L.R.Q., chapitre C-19); et
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Charte de la Ville de Montréal (L.R.Q., chapitre C-11.4); et
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Charte de la Ville de Québec (L.R.Q., chapitre C-11.5).
Les modifications législatives prévues visent principalement à incorporer et refléter le changement de terminologie engendré par la réforme par le remplacement, dans les différentes dispositions, du terme « compagnie » pour celui de « sociétés par actions » (ou pour celui d’« entreprises » lorsqu’il s’agit d’une compagnie de services publics dans le cas de la Charte de la Ville de Montréal et la Charte de la Ville de Québec).
Certaines dispositions de ces lois, référant dans leur libellé à d’autres textes de loi, seront également amendées pour tenir compte des modifications à ces mêmes textes de loi.
En somme, si le projet de loi 63 opère une réforme majeure du droit corporatif québécois, le droit municipal devra tout simplement intégrer le nouveau vocable de « société par actions » dans les lois le régissant et ce afin d’assurer une concordance entre les différents textes de loi sur plan de la sémantique.
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