Il est de commune renommée qu'il survient toutes sortes d'«accidents» au cours des fameux «partys de bureau» Évidemment, je ne traiterai que de l'accident du travail. Il est évident qu'un accident qui arrive à ce moment ne survient pas par «le fait du travail» puisque le travailleur n'est pas en train d'effectuer son travail. Reste la question de savoir s'il est survenu «à l'occasion du travail». La jurisprudence a établi des critères permettant de guider le tribunal afin de déterminer si un accident est survenu «à l'occasion du travail». Chaque cas étant un cas d'espèce, j'ai répertorié quelques décisions sur la question.
Dans Hôtel Le Chanteclerc (1998) et Jean St-Yves, le travailleur s'était blessé en montant sur une colonne de son pour danser à la demande des employés pendant le souper de Noël organisé par l'employeur. Le tribunal a conclu que l'accident était survenu «à l'occasion du travail». Il a retenu que le travailleur était rémunéré pour ses activités alors qu'il agissait à titre de chef cuisinier chargé de la supervision du buffet offert aux employés. De plus, le tribunal a été d'avis qu'une activité de Noël était une occasion pour l'employeur de renforcer le sentiment d'appartenance à son entreprise. Quant à l'activité exercée au moment où le travailleur s'est blessé, le tribunal a conclu qu'il s'agissait d'une activité devenue une coutume chez l'employeur et qu'en y participant le travailleur avait contribué à sa façon à faire un succès de la soirée.
Dans Harnois et Gestion Place Victoria inc., le travailleur s'était blessé alors qu'il avait manqué une marche en se rendant aux toilettes pendant le souper de Noël organisé par l'employeur. Le tribunal a conclu que l'accident n'était pas survenu «à l'occasion du travail». Il a retenu que l'activité se déroulait en dehors des heures de travail et que la participation à cette activité se faisait sur une base volontaire. À défaut de preuve, le tribunal n'a pu retenir que la finalité recherchée par l'employeur, en finançant cette activité, était d'en retirer un avantage direct ou indirect. En ce qui a trait à la présence du personnel cadre, le tribunal a retenu que chaque activité sociale, par sa nature, commandait un comportement social approprié, sans pour autant que l'on puisse parler d'un lien de subordination.
Dans Desjardins et EMD Construction inc., le travailleur s'était blessé en déplaçant une table à la demande de l'employeur lors d'une activité de Noël. Le tribunal a conclu que l'accident n'était pas survenu «à l'occasion du travail». Il a retenu que le fait que l'employeur ait demandé au travailleur de déplacer des tables n'avait pas entraîné un lien de subordination auquel ce dernier ne pouvait se soustraire. Il a plutôt été d'avis que la finalité de l'activité, soit d'aider volontairement dans la préparation de l'activité, était personnelle. De plus, le fait que l'employeur ait pu bénéficier indirectement de cette activité, compte tenu de la présence de certains sous-contractants, ne changeait rien à la situation.
Dans Boivin et Centre communautaire juridique de l'Estrie, la travailleuse, qui faisait partie du comité organisateur de la fête de Noël depuis plusieurs années à la demande de l'employeur, s'était blessée alors qu'elle avait été propulsée sur le plancher de danse par un collègue. Le tribunal a conclu que l'accident était survenu à l'occasion du travail. Il a notamment retenu que l'employeur avait participé à l'organisation de la fête, qu'il avait payé le coût de la location de la salle et du transport de certains employés et qu'il avait autorisé les membres du comité organisateur à utiliser une journée de travail rémunérée afin de préparer la salle. De plus, il a été d'avis que la présence de personnel en situation d'autorité permettait d'inférer que cette fête était une activité utile à l'accomplissement du travail et qu'elle n'échappait pas entièrement à la sphère du travail.
Dans Fafard et Commission scolaire des Trois-Lacs, la travailleuse s'est blessée en participant à un jeu lors de l'activité de Noël organisée par le comité social. Le tribunal a conclu que l'accident était survenu à l'occasion du travail. Il a principalement retenu que la finalité de l'activité servait le but de l'employeur, soit l'amélioration du climat de travail malsain, qui avait fait l'objet d'une évaluation et de recommandations par une firme externe. Il a de plus rappelé que l'activité exercée devait être considérée dans son ensemble, ce qui incluait la participation volontaire aux jeux organisés lors de celle-ci.
Bref, amusez-vous pendant votre soirée de Noël, mais la prudence est tout de même de mise!
Références
-
Hôtel Le Chanteclerc (1998) et Jean St-Yves (C.L.P., 2003-07-16), SOQUIJ AZ-50183698.
-
Harnois et Gestion Place Victoria inc. (C.L.P., 2005-03-16), SOQUIJ AZ-50301163.
-
Desjardins et EMD Construction inc. (C.L.P., 2007-01-24), 2007 QCCLP 496, SOQUIJ AZ-50411667.
-
Boivin et Centre communautaire juridique de l'Estrie (C.L.P., 2011-04-11), 2011 QCCLP 2645, SOQUIJ AZ-50742114, 2011EXPT-940.
-
Fafard et Commission scolaire des Trois-Lacs (C.L.P., 2014-11-05), 2014 QCCLP 6156, SOQUIJ AZ-51123931, 2014EXPT-2097.